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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/539

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Fig. 270. — Le cénacle scientifique du château de Clairac : Montesquieu et le baron de Secondat, son fils, le chevalier de Vivens, Romas et les frères Dutilh (page 531).


à substituer à la barre, qui avait sept à huit pieds de hauteur verticale au-dessus du toit de ma maison, un des plus longs mâts de navire que je pourrais trouver. Mais, ayant bientôt entrevu la nécessité d’une grande dépense, soit pour me procurer cette pièce, soit pour l’isoler, et plus encore dans la crainte de ne point obtenir des effets fort considérables, j’abandonnai cette idée presque dans le moment où je la conçus.

« Néanmoins, toujours plein du désir d’augmenter le volume du feu électrique, il fallut chercher le moyen qu’il y avait à trouver pour y parvenir ; en conséquence, je me plongeai dans de nouvelles méditations. Enfin une demi-heure après, tout au plus, le cerf-volant des enfants se présenta tout à coup à mon esprit, et comme j’y vis aussitôt, sinon les effets éclatants que cette machine a montrés depuis, du moins en partie, il me tardait de la mettre à l’épreuve.

« Par malheur je n’en avais pas le temps ; je devais rendre compte de mes observations sur la barre de M. Franklin à l’Académie de Bordeaux. C’est ce dont je m’acquittai, par une grande lettre que j’adressai à cette compagnie le 12 juillet 1752. Je ne me bornai pas à cela : je lui parlai aussi du procédé à la faveur duquel j’espérais de faire produire plus de feu électrique que je n’en avais vu sur la barre : je lui indiquai même suffisamment en quoi ce procédé consistait, puisque je le lui annonçai comme un simple jeu d’enfant.

« L’Académie reçut cette lettre avec un contentement des plus sensibles. Elle m’en donna une preuve, en me disant dans sa réponse, que le public, qui se plaît naturellement aux choses extraordinaires, serait bien aise, sans doute, de connaître mes observations sur le feu électrique du tonnerre, et l’utilité que je pensais pouvoir en retirer ; que cette considération l’avait déterminée à faire lire ma lettre dans l’assemblée publique du 25 août prochain ; mais que comme nous étions dans la saison des orages, et que peut-être il s’en élèverait quelqu’un avant le jour de cette séance, elle m’exhortait à continuer les expériences sur la barre, afin qu’elle eût quelque autre particularité à présenter au public sur la même matière.

« La façon d’électriser avec une barre, sans prendre d’autres soins que ceux de l’isoler, et de l’exposer à l’air, en temps d’orage, était trop piquante par elle-même, et la réponse de l’Académie m’était trop flatteuse, pour que je ne tinsse point compte de suivre sa recommandation. Animé par ce double motif, je