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la grande idée théorique qui avait présidé aux travaux de presque toute sa carrière, Galvani se disposa à examiner avec la plus grande rigueur les nouveaux phénomènes qui s’offraient à ses méditations. Au début de ses recherches, à travers l’obscurité des phénomènes complexes dont il avait le premier interrogé les mystères, il avait dévié de la bonne route et employé six années en investigations infructueuses.

« Maintenant que le succès lui paraît assuré, dit M. le professeur Gavarret, dans un discours prononcé, en 1848, à la Faculté de médecine de Paris, sur les travaux de Galvani, il va redoubler de rigueur dans le choix de ses expériences et dans la manière de les instituer ; il va s’entourer de nouvelles précautions pour se mettre en garde contre l’entraînement ; car, dit-il, facile est in experiundo decipi, et quod videre et invenire optamus id vidisse et invenisse arbitrari. »

Galvani employa successivement une foule de substances solides et liquides, et même des parties animales à l’état frais, pour former l’arc destiné à exciter les contractions de la grenouille. Il démontra, par cette série d’expériences, que toute substance peut servir à composer un arc excitateur de ce genre, pourvu qu’elle conduise facilement l’électricité. Il signala les métaux comme les corps qui provoquent le mieux les contractions musculaires, et l’on peut noter qu’il rangea sous ce rapport les métaux dans l’ordre même qui leur a été assigné depuis par les physiciens qui ont le mieux étudié la conductibilité électrique. Quand il opérait avec un arc composé, en tout ou en partie, d’une matière non conductrice, la contraction n’apparaissait point.

Galvani trouva que, pour donner toute l’amplitude possible au phénomène de la contraction animale, il fallait entourer les nerfs lombaires de la grenouille d’une feuille d’étain, les muscles de la jambe d’une feuille d’argent, et établir, au moyen d’un fil de cuivre, la communication entre ces deux armatures métalliques.

L’expérience ainsi disposée prenait un développement qui démontre bien l’extraordinaire sensibilité du corps d’une grenouille récemment tuée pour accuser la présence du fluide électrique. Lorsque Galvani touchait avec un fil de cuivre l’armature d’étain, qu’une autre personne touchait avec un fil de cuivre l’armature d’argent, et que les deux opérateurs joignaient leurs mains libres, les contractions survenaient aussitôt. Après avoir parcouru tout cet énorme circuit, l’électricité était donc encore accusée par le corps de la grenouille, qui nous apparaît ainsi comme l’électroscope le plus sensible dont les physiciens puissent faire usage.

Appuyé sur ces faits, et sur plusieurs autres que nous négligerons ici, Galvani crut avoir mis hors de doute la certitude de la théorie qui avait servi de point de départ à ses recherches, c’est-à-dire l’existence d’une électricité propre à l’organisme vivant. Il formula définitivement cette pensée, et lui donna pour ainsi dire une expression physique, en posant en principe que le corps des animaux est une bouteille de Leyde organique.

Mais, pour vérifier cette hypothèse hardie, pour démontrer la justesse de cette assimilation, il fallait prouver que dans le corps des animaux il y a, comme dans une bouteille de Leyde, deux électricités contraires, et confinées chacune en un lieu séparé ; ce qui les empêche de se recombiner, et ne permet cette recomposition que dans certaines conditions physiques.

Pour démontrer la présence, dans le corps des animaux, de deux électricités contraires et localisées séparément, Galvani multiplia vainement ses tentatives. Il jugea néanmoins pouvoir passer outre, et, abandonnant cette fois la route expérimentale pour se livrer aux seules inspirations de son génie, il formula ainsi définitivement sa pensée :

1o Le muscle est une bouteille de Leyde.

2o Le nerf joue le rôle d’un simple conducteur.

3o L’électricité positive circule de l’inté-