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travaux de l’auteur, dans leur application au perfectionnement des arts du dessin et de la sculpture. Pour faire connaître les travaux de M. Duchenne (de Boulogne), nous ne saurions mieux faire que de rapporter ici la savante appréciation de M. Chesneau.

« L’expression réside principalement, dit M. Chesneau, dans le jeu des muscles de la face ; elle se complète accessoirement par l’attitude et le geste. Partant de ce principe, M. Duchenne s’est jusqu’à présent plus spécialement occupé de l’action musculaire du visage, où il a cru trouver la raison d’être des lignes, des rides et des plis de la face en mouvement, de ces divers signes qui, par leurs combinaisons variées, servent à l’expression de la physionomie. Pour connaître et juger le degré d’influence exercée sur l’expression par les muscles de la face, M. Duchenne, armé de rhéophores, a provoqué la contraction de ces muscles à l’aide de courants électriques au moment où la physionomie était au repos et annonçait le calme intérieur. Il a d’abord mis chacun des muscles partiellement en action, tantôt d’un seul côté, tantôt des deux côtés à la fois ; puis, allant du simple au composé, il a essayé de combiner ces contractions musculaires partielles en les variant autant que possible, c’est-à-dire en faisant contracter les muscles de noms différents, deux par deux et trois par trois.

Ces expériences ont produit des faits généraux que j’exposerai très-sommairement, mais qu’il est indispensable d’indiquer. Nous les rangeons sous deux grandes divisions : les contractions partielles et les contractions combinées.

Les contractions partielles, résultant de l’action de l’électricité sur un muscle ou sur un seul faisceau de muscles, peuvent être :

1o Complétement expressives. — Contrairement à l’opinion scientifique qui avait prévalu jusqu’aux travaux du docteur Duchenne, il existe donc des muscles qui auraient le privilége exclusif de peindre complétement, par leur action isolée, une expression qui leur est propre. Je reviendrai tout à l’heure sur ce premier point éclairé par M. Duchenne d’une lumière tout à fait inattendue.

2o Incomplétement expressives. — Ainsi des muscles éminemment expressifs au premier aspect, lorsqu’ils sont contractés artificiellement par le rhéophore, laissent bientôt reconnaître à l’observateur une lacune que la contraction naturelle n’eût pas permise. L’expression alors a une apparence factice ; et lui manque quelque chose ; un trait lui fait défaut, et sans ce trait, elle n’est pas complète. De là résulte la nécessité d’une contraction musculaire complémentaire. L’expérimentation a souvent appris au docteur Duchenne quels muscles devaient alors entrer synergiquement (simultanément) en contraction pour compléter cette expression. Ces contractions forment la troisième classe, elles sont :

3o Expressives complémentaires. — Il est remarquable que les muscles de cette série qui s’ajoutent à ceux de la seconde pour produire, étant contractés, une expression complète, peuvent être contractés isolément, absolument inexpressifs, et n’amener qu’une simple et inexpressive déformation des traits. Utilisés par combinaison au contraire, ils viennent en aide à certaines expressions, pour les compléter ou les modifier en leur imprimant un nouveau caractère. Tous les muscles inexpressifs par eux-mêmes n’ont pas cette propriété complémentaire. Il en est dont les contractions demeurent :

4o Complétement inexpressives. — Ces muscles sont d’ailleurs en bien petit nombre. Leur contraction amène un mouvement très-appréciable, mais ne produit aucune ligne expressive apparente au point de vue physionomique.

Arrivons maintenant aux faits de la seconde division, aux contractions combinées.

Ces combinaisons musculaires s’obtiennent en excitant simultanément plusieurs muscles de noms différents, d’un côté ou des deux côtés à la fois. Ces contractions combinées sont expressives, inexpressives ou expressives discordantes.

1o Expressives. — Le plus grand nombre des expressions physionomiques s’obtient par les contractions partielles de la première division. Il en est d’autres cependant qui exigent la synergie ou contraction simultanée de plusieurs muscles. Ces expressions sont le plus souvent elles-mêmes des expressions complexes extrêmement délicates à saisir. Par exemple, M. Duchenne fera contracter simultanément les muscles de la surprise et de la joie et il obtiendra une expression physionomique complexe, telle que l’état d’âme où nous met une heureuse nouvelle, un bonheur inattendu. Si, à ces deux expressions primordiales, il joint celle de la lubricité, cette indication sensuelle désignera le caractère spécial de la surprise ou de l’attention attirée par une cause qui flatte cette dernière passion ; on peindrait ainsi un motif souvent reproduit par les maîtres de toutes les écoles : les vieillards contemplant la chaste Suzanne. On conçoit bien que toutes les expressions primordiales ne se prêtent pas également à des combinaisons expressives et que fréquemment des contractions combinées restent :

2o Inexpressives. — On n’obtient dans ce cas qu’une grimace dépourvue de signification. Ce fait se produit surtout lorsqu’on essaye de combiner, dans toute leur énergie propre, des expressions opposées, comme la douleur et la joie. Cependant ces combinaisons réalisées dans un mouvement modéré peuvent amener des expressions très-naturelles et très-harmonieuses. Nous pénétrons ainsi dans les nuances