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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/702

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cité dans une lame formée de deux métaux hétérogènes.

Ces objections contre la théorie du développement de l’électricité par le contact, sont si justes, si naturelles, qu’elles furent formulées dès les premiers temps où Volta donna connaissance de son hypothèse. C’est le 16 brumaire an IX, que Volta lisait à l’Institut le mémoire consacré à l’exposé de sa théorie. Déjà le 12 du même mois, Gautherot, savant bien oublié aujourd’hui et dont la génération scientifique actuelle ignore jusqu’au nom, avait présenté à la Société philotechnique de Paris une réfutation de cette théorie, qui fut publiée dans un recueil scientifique de cette époque [1]. Nous allons donner une idée des critiques que Gautherot opposa alors aux idées du physicien d’Italie.

Nous avons vu, en parlant des premiers travaux relatifs au galvanisme, que dès l’apparition des expériences de Galvani relatives à l’arc métallique excitateur, il s’était rencontré un observateur de génie, le Florentin Fabroni, qui, par une vue vraiment supérieure, avait rapporté à l’action chimique la cause de ces phénomènes. L’explication théorique des effets de la pile était à peine formulée par Volta, qu’un autre observateur, Gautherot, se présentait, en France, pour donner de ces nouveaux faits une interprétation semblable.

Gautherot, pour expliquer les phénomènes chimiques de la pile de Volta, partait des mêmes considérations qui avaient guidé Fabroni dans son explication chimique des effets provoqués par l’arc de Galvani, et il suivait le même ordre de succession dans la série de ses considérations théoriques. Il admettait, à l’instar de Fabroni, que deux métaux hétérogènes, mis en contact, avaient une tendance naturelle à se combiner, en raison de leur affinité réciproque ; — que cette tendance à une combinaison chimique avait pour résultat de diminuer la force de cohésion ; — que cet affaiblissement dans l’intensité de la cohésion permettait au métal le plus oxydable du couple de se combiner plus aisément avec l’oxygène de l’air ou de l’eau ; — que de là résultait l’oxydation du métal par l’oxygène atmosphérique, si l’on opérait dans l’air ; ou bien, comme c’était le cas le plus général, si l’on opérait dans de l’eau acidulée, il y avait décomposition de l’eau, dégagement de gaz hydrogène et oxydation du métal qui entrait en dissolution dans l’acide. Jusque-là, comme on le voit, il y avait identité entre la théorie de Fabroni et celle de Gautherot ; mais ce dernier la complétait victorieusement par l’addition d’un terme des plus importants que Fabroni avait négligé, ou pour parler plus exactement, qu’il avait nié d’une manière formelle, et qui avait frappé de stérilité sa belle conception. Gautherot admettait donc que, par suite des changements de forme physique survenus parmi les corps réagissants, il y avait production d’électricité ; que le fluide électrique prenait la forme d’un courant et devenait une force[2].

Voici à peu près le résumé de son travail, lu à la Société philotechnique :

« L’état actuel de nos connaissances, dans les phénomènes de la pile de Volta, ne nous permet pas encore, disait Gautherot, de distinguer le phénomène principal, qui explique et subordonne les autres, de ceux de l’électricité, qui ne paraissent ici que comme secondaires. L’électricité y est excitée et mise en jeu ; mais elle y est subordonnée. L’oxydation des métaux se présente au contraire comme un phénomène de premier ordre. Leur attouchement semble augmenter leur affinité pour l’oxygène ; et l’eau, dont la présence est indispensable dans ce cas pour rendre sensibles les phénomènes du galvanisme, semble prouver, par sa prompte décomposition, cette affinité plus grande de l’oxygène pour les substances métalliques que pour l’hydrogène. »

Tandis qu’en France la théorie du contact était de cette manière, attaquée dans ses bases

  1. Mémoires des sociétés savantes et littéraires de la république française, t. I, p. 471.
  2. Gautherot, Recherches sur les causes qui développent l’électricité dans les appareils galvaniques (Journal de physique, t. LVI, p. 429).