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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/718

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homme se rencontre qui en comprenne la portée, et qui rende fécond le germe depuis longtemps créé. Quoique Mojon et Romagnosi eussent observé, selon toute apparence, des phénomènes d’électro-magnétisme, aucun physicien, pas même eux, ne se doutait de l’existence d’un phénomène de ce genre à l’époque où Œrsted publia l’immortelle expérience qui vint montrer à tous les yeux, l’influence du courant électrique fermé sur les aimants.

Fig. 378. — Christian Œrsted.

Œrsted avait partagé jusqu’en 1820 les opinions généralement répandues sur l’identité absolue de l’électricité et du magnétisme. Dans ses Réflexions sur les lois de la chimie, publiées en 1812, il s’efforce encore de démontrer par des faits, l’identité de la pile et d’un aimant. Dans ses cours publics, il faisait des expériences destinées à mettre cette identité en lumière ; mais ces expériences ne réussissaient pas. La pile ne pouvait être assimilée à un aimant ; en d’autres termes, elle n’avait deux pôles contraires que lorsque ses pôles étaient libres et le courant interrompu, c’est-à-dire ouvert. Or, c’est justement dans ce cas qu’elle est sans influence sur les aimants. C’était donc à tort que Œrsted et des physiciens de son temps voulaient établir cette assimilation.

Dans les idées qui régnaient alors, un courant électrique fermé ne pouvait être doué d’une polarité quelconque. Aussi ne se préoccupait-on nullement du courant fermé.

Mais si le circuit fermé était considéré comme dépourvu de toute action, comment donc, va dire le lecteur, Œrsted put-il être conduit à faire cette expérience du circuit fermé, qui fit subitement jaillir des ténèbres la lumière tant cherchée ? Cette expérience fut tout simplement le fait du hasard. Le hasard, qui avait déjà provoqué la découverte du galvanisme, fut aussi la bénissable fée, qui présida à la naissance de l’électro-magnétisme.

Pendant l’hiver de 1819 à 1820, Œrsted faisait son cours de physique à l’Université de Copenhague. Il était occupé à montrer à son auditoire, la puissance calorifique de la pile de Volta, en portant à l’incandescence un fil de platine tendu entre les deux pôles. Une aiguille aimantée se trouvait par hasard, placée sur la table, à quelque distance de la pile. Or, au moment où la pile fut mise en action, cette aiguille aimantée se mit à osciller d’une façon singulière. Ce phénomène inattendu éveilla l’attention des assistants. On ne comprenait pas que le fil qui joint les deux pôles de la pile et forme le courant voltaïque, pût exercer une influence quelconque sur une aiguille aimantée, car, en réunissant les deux pôles, il semblait que, par cela même, on anéantissait le courant. Mais il fallut se rendre à l’évidence et reconnaître qu’un courant électrique fermé jouit d’une action propre et très-manifeste[1].

  1. On a dit qu’à l’une de ses leçons, Œrsted, saisissant vivement les deux fils qui, par leur contact, fermaient le courant électrique, s’écria, dans une sorte de mouvement oratoire : « Je ne puis croire que cet appareil soit sans action sur les aimants ! » et que, par ce geste involontaire, il approcha le circuit fermé de l’aiguille aimantée, qui fut aussitôt déviée de sa position d’équilibre. Mais cette version théâtrale manque de preuves.