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organes de la machine à vapeur, fut toujours la conséquence et l’application des découvertes théoriques successivement réalisées dans la science. On a vu qu’avant l’institution de la physique moderne, rien de ce qui ressemble à la machine à vapeur n’avait été ni n’avait pu être conçu. Mais dès que la physique commence à essayer ses premiers pas, dès le moment où les découvertes de Galilée, de Pascal et d’Otto de Guericke ont marqué ses brillants débuts, on voit ces faits passer immédiatement dans la pratique, et le génie de Papin s’en emparer, pour en tirer des applications mécaniques par la création d’un nouveau moteur.

Cette liaison étroite qui se fait remarquer entre la situation de la science et les progrès de la machine à vapeur, deviendra plus sensible et plus évidente encore à mesure que nous avancerons dans l’histoire de ses perfectionnements. Nous allons voir une période de plus de soixante ans s’écouler sans apporter aucune amélioration aux principes mécaniques concernant l’emploi de la vapeur d’eau. L’explication de ce fait paraîtra fort simple, si l’on considère que, dans ce long intervalle, la théorie de la chaleur resta complétement stationnaire. Les physiciens, tout entiers à l’étude nouvelle et si remplie d’attrait, des phénomènes électriques, n’avaient pas encore abordé l’examen des faits qui se rapportent à la chaleur. Ce n’est que vers l’année 1760 que les théories de la vaporisation, de la condensation et du changement d’état des corps, furent établies par Joseph Black. Aussi, durant cette suite d’années qui s’étend depuis la construction de la première machine atmosphérique par Newcomen, jusqu’aux travaux de Black, en 1760, l’histoire de la machine à vapeur n’offre-t-elle à signaler que des perfectionnements apportés à la partie exclusivement mécanique des appareils. Tout ce qui concerne le principe d’action de la machine reste entièrement en dehors de ces modifications secondaires, qu’il nous suffira dès lors de mentionner en quelques mots.

Le premier perfectionnement apporté au mécanisme de la pompe à feu, est dû à une circonstance qu’il est assez curieux de connaître. Dans la machine telle que Newcomen l’avait construite, les deux robinets destinés, l’un à donner accès à la vapeur, l’autre à introduire l’eau de condensation dans l’intérieur du cylindre, s’ouvraient et se fermaient à la main. Un ouvrier, et souvent un enfant, étaient chargés d’exécuter cette opération, et quelles que fussent leur habitude ou leur adresse, on ne pouvait ainsi obtenir plus de dix à douze coups de piston par minute ; en outre, la moindre distraction de la part de l’apprenti, non-seulement retardait le jeu de la machine, mais pouvait compromettre son existence.

En 1713, un enfant chargé de ce soin, contrarié, dit-on, de ne pouvoir aller jouer avec ses camarades, imagina un moyen de se soustraire à cette sujétion forcée. Il avait remarqué que l’un des robinets devait être ouvert au moment où le balancier a terminé sa course descendante, pour se fermer au commencement de l’oscillation opposée : la manœuvre du second robinet était précisément l’inverse. Les positions du balancier et du robinet se trouvant ainsi dans une dépendance nécessaire, l’enfant reconnaît que le balancier lui-même pourrait servir à ouvrir et à fermer les robinets. Son plan est aussitôt conçu et mis à exécution. Il attache à chacun des robinets deux ficelles de longueur inégale, et après de longs tâtonnements, il fixe leur extrémité libre à des points convenablement choisis sur le balancier ; de telle sorte qu’en s’élevant ou s’abaissant par l’action de la vapeur, le balancier ouvrait ou fermait lui-même les robinets au moment nécessaire. La machine put ainsi marcher sans surveillant, et l’apprenti s’en alla triomphalement rejoindre ses camarades.

La tradition nous a conservé le nom de cet utile paresseux, de ce paresseux de génie : il s’appelait Humphry Potter.

Le mécanicien Beighton substitua aux ficelles du jeune Potter une tringle de fer ver-