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de ses travaux. Le modèle dont il se servit pour essayer le jeu des divers organes de sa machine, consistait en un cylindre de cuivre de moins de 2 pouces (0m,051) de diamètre auquel une chaudière fournissait de la vapeur, qui s’introduisait, à l’aide d’un tube bifurqué, au-dessus et au-dessous de la tête du piston. Les robinets se tournaient à la main. Le condenseur était simplement formé de deux tuyaux d’étain de 10 pouces (0m,254) de longueur, disposés verticalement, et venant aboutir à un tuyau d’un diamètre plus grand qui plongeait dans un bassin d’eau froide. Pour juger définitivement le jeu des divers organes de sa machine, Watt la fit exécuter en grand avec tous les éléments nouveaux qu’il avait imaginés.

C’est à cette occasion qu’il fit pour la première fois usage de l’enveloppe de bois entourant le cylindre, communément appelée chemise du corps de pompe, et qui a pour effet de prévenir les pertes de chaleur que le cylindre éprouve par suite de son rayonnement dans l’air. Par cet artifice, il parvint à diminuer encore très-sensiblement la dépense du combustible.

Ainsi la machine à vapeur était désormais complète. À la machine atmosphérique, dont les découvertes de Torricelli, de Pascal et d’Otto de Guericke avaient fait naître l’idée, que le génie de Papin et la sagacité de Newcomen avaient transportée dans la pratique, Watt substituait une machine infiniment supérieure par l’intensité de ses effets, et qui devait son principe à la seule force de la vapeur d’eau. Sous le rapport de la puissance et de l’économie, les avantages de ce nouveau moteur étaient de nature à dépasser toutes les espérances. Il ne restait donc plus qu’à le transporter dans la pratique industrielle. Mais Watt n’avait aucune des qualités nécessaires pour faire comprendre à des capitalistes, obligés par état à beaucoup de défiance, toute la portée d’une invention nouvelle. Assez insouciant par caractère, il détestait l’exagération de promesses qui sont familières aux inventeurs de tous les rangs. D’ailleurs, il n’était pas encore entièrement satisfait des résultats qu’il avait obtenus. Il rêvait des perfectionnements nouveaux, et répugnait à faire connaître ses idées avant d’avoir produit tout ce qu’il en espérait. Enfin, les périls des entreprises industrielles avaient de quoi effrayer la timidité de son esprit. Il hésitait à risquer ses faibles ressources sur cette mer trop fertile en naufrages.

Une circonstance fortuite put seule le décider à céder aux instances de ses amis.

Quoique voué tout entier aux travaux de son art, Watt était cependant assez répandu dans le monde, où le faisaient rechercher ses qualités agréables et la gaieté de son humeur. Nourri de bonne heure de toute espèce de lectures, doué d’une mémoire prodigieuse, d’une parole facile et d’une imagination intarissable, il n’avait pas tardé à acquérir à Glascow la réputation d’un causeur accompli. Aussi sa maison était-elle le rendez-vous de tous les personnages distingués de la cité. Outre son ami Joseph Black, on trouvait chez lui : Adam Smith, le célèbre auteur des Recherches sur la cause de la richesse des nations ; Robert Simson, le patient restaurateur des ouvrages mathématiques des anciens, et divers littérateurs ou artistes qui aimaient à jouir des charmes et des profits de sa conversation. C’est par là que le docteur Roebuck fut amené à lier quelques relations avec James Watt.

Roebuck, fondateur de la célèbre usine de Carron, se distinguait du commun des financiers par son esprit et sa bonne humeur. Il fut présenté à Watt et fréquenta sa maison. Le hasard d’un entretien amena ce dernier à lui communiquer les modifications qu’il avait apportées à la machine de Newcomen. Le capitaliste anglais était lancé à cette époque dans des spéculations assez difficiles pour l’exploitation des mines de houille et des salines de Borrowstones, dans le comté de Linlithgow. Comprenant toute la portée de l’in-