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teur, dévidé tout entier, reposait sur le fond de la Manche.

Mais, l’opération terminée, on reconnut avec douleur que la longueur du fil avait été mal calculée, et que son extrémité s’arrêtait à près d’un kilomètre de la côte de France. La nuit arriva ; la mer était mauvaise, le câble exerçait sur le bateau à vapeur, une traction violente qui menaçait à chaque instant de le faire chavirer. Il fallut se décider à abandonner le fil à lui-même. On attacha donc une bouée à son extrémité, et on le laissa tomber, non sans appréhensions, au fond de la mer.

On prit sur-le-champ les dispositions nécessaires pour préparer en toute hâte un bout de câble provisoire. Ce câble supplémentaire ne fut terminé que le jour suivant. Tout faisait craindre que l’agitation de la mer et le choc des vagues contre le câble, abandonné deux jours au fond de la mer, n’eussent fait perdre le fruit de tant de travaux. Heureusement la bouée fut retrouvée à sa place, retenant encore parfaitement intacte l’extrémité du câble métallique. On hissa à bord ce bout libre.

Une dernière fois, on essaya de tirer sur le conducteur, de manière à le rapprocher des côtes de France. N’ayant rien pu obtenir par ce moyen, on se contenta d’attacher fortement au câble la corde provisoire préparée la veille ; c’était un petit câble enveloppé d’un mélange de goudron et de gutta-percha, et renfermant dans son intérieur quatre fils de cuivre, qui furent soudés aux fils du câble principal. On put ainsi atteindre le cap de Sangatte.

La plus grande profondeur rencontrée avait été de 54 mètres. La distance à parcourir était de 33 kilomètres. On avait immergé 40 kilomètres de câble, soit près du quart en plus de la distance réelle.

Aussitôt des dépêches furent échangées entre Calais et Douvres : les appareils transmirent les communications avec une entière facilité.

Pendant la semaine suivante, on s’occupa de fabriquer le bout de câble définitif, nécessaire pour compléter le conducteur : ce morceau supplémentaire fut substitué à la corde provisoire, et le 31 décembre 1851, s’effectua l’intéressante cérémonie de l’inauguration du télégraphe sous-marin.

Ce jour-là, le courant électrique, parti du rivage français, vint mettre le feu à un canon placé sur le rempart de Douvres. Une correspondance s’établit immédiatement entre la station anglaise et les bureaux du ministère de l’intérieur à Paris, et l’on célébra à Douvres, dans un banquet solennel, le succès de cette merveille de notre siècle.

La première dépêche électrique expédiée d’Angleterre à travers l’Océan, fut déposée entre les mains du Président de la République française.

Pendant près d’une année, les communications entre l’Angleterre et la France, se sont faites exclusivement de Douvres à Calais. Pour atteindre Londres ou Paris, les dépêches devaient passer de chaque station sous-marine à la ligne télégraphique aérienne de Douvres à Londres, ou de Calais à Paris. Le 1er novembre 1852, les stations intermédiaires de Douvres et de Calais furent supprimées, et le fil télégraphique, à l’aide de travaux nouveaux et de dispositions convenables, se trouva réuni à la ligne ordinaire du télégraphe, de manière à faire communiquer Londres et Paris sans aucune station intermédiaire sur la côte.

Aujourd’hui le télégraphe électrique fonctionne de Londres à Paris, à travers l’Océan, avec une facilité merveilleuse. Un courant incessant de pensées s’échange d’un pays à l’autre, et ce lien qui rattache les deux rivages, est comme une main fraternelle que se tendent deux peuples amis, à travers la mer qui les sépare.