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était à cent lieues de la côte. Cependant le docteur prit la chose plus au sérieux. Il remarqua qu’il régnait une brise de terre assez forte, et que dans ce moment la voile du vaisseau était concave. Il se plaça au foyer de la voile et entendit parfaitement la volée des cloches. Il tint note du jour et de l’heure. Six mois après, de retour en Amérique, il apprit qu’au jour et à l’heure qu’il avait notés, il y avait eu à Rio-Janeiro un branle-bas des cloches à l’occasion de la fête de la ville.

Un autre jour, le docteur Arnoldt, se trouvant sur le bord d’un lac de sept lieues de large, entendit, d’une rive à l’autre, le cri des marchands d’huîtres et le bruit des rames.

Selon Franklin, les globes de feu formés par des météores à plus d’une lieue d’élévation dans les airs, produisent, en éclatant à cette hauteur, un bruit que l’on entend sur terre à vingt-cinq lieues à la ronde[1]. Le traducteur de Franklin ajoute qu’il a lui-même entendu à Paris des coups de canon tirés à Lille.

C’est d’après ces faits que quelques personnes ont proposé d’établir des télégraphes au moyen du langage parlé. Il serait facile, selon le docteur Arnoldt, de créer un service télégraphique fondé sur ce principe. Tout l’appareil consisterait en une sorte de miroir métallique concave, placé sur une éminence à l’une des extrémités de la ligne ; à quelques lieues de là, à l’autre extrémité de la ligne, un porte-voix parabolique serait dirigé vers cette surface. On recueillerait les sons envoyés par le porte-voix en se plaçant au foyer du miroir. Ce serait là évidemment un moyen de correspondance fort peu dispendieux. Malheureusement la démonstration pratique a manqué jusqu’ici au système proposé par le docteur Arnoldt.

Le désir de justifier les idées de dom Gauthey, nous a entraîné à une digression un peu longue. Revenons à la série des essais télégraphiques.



CHAPITRE IV

essais de linguet. — travaux de dupuis, de bergstrasser et de boucherœder.

Après dom Gauthey, c’est-à-dire de 1782 à la fin du xviiie siècle, les études sur la télégraphie aérienne subirent un temps d’arrêt, ou plutôt une déviation. L’électricité venait d’être découverte, et la promptitude extraordinaire, l’étonnante facilité avec laquelle l’électricité se transmet le long d’un conducteur métallique, désignaient tout naturellement cet agent comme devant se prêter merveilleusement à la télégraphie. Pendant trente ans, les efforts se portèrent donc de ce côté, et donnèrent naissance à des résultats divers, dont nous tracerons les résultats dans l’histoire de la télégraphie électrique.

Mais ces tentatives restèrent sans effet. C’est que l’on ne connaissait à cette époque que l’électricité statique, c’est-à-dire celle qui est dégagée par le frottement et fournie par les machines électriques. Or, l’électricité provenant de cette source ne réside qu’à la surface du corps, et tend continuellement à s’en échapper. C’est une électricité animée d’une grande tension, comme on le dit en physique. Il résulte de là qu’elle abandonne ses conducteurs sous l’influence des causes les plus indifférentes. L’air humide, par exemple, suffit pour la dissiper. Un agent aussi difficile à contenir, ne pouvait donc, en aucune manière, être utilisé pour le service de la télégraphie.

C’est dire assez que toutes les tentatives faites jusqu’à la fin du dernier siècle pour plier l’électricité aux besoins de la correspondance, durent être frappées d’une impuissance radicale. Après trente ans de travaux inutiles, on abandonna cette idée comme impraticable. On fut contraint d’en revenir aux signaux formés dans l’espace et visibles à de grandes distances.

C’est à cette époque, c’est à la suite de ces travaux infructueux, que le télégraphe aérien,

  1. Lettre de Franklin du 20 juillet 1762.