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essai en petit à l’application en grand ; on avait pensé, en d’autres termes, qu’en augmentant l’énergie du courant électrique et la grandeur des électro-aimants, on augmenterait dans le même rapport la puissance de la machine. Jamais cependant ce résultat n’a pu être obtenu ; le même modèle qui, en petit, produisait d’excellents effets, quand on l’exécutait en grand ne fonctionnait que d’une manière imparfaite et tout à fait hors de proportion avec l’augmentation donnée aux différentes pièces de l’appareil.

À quelles causes doit-on attribuer ce mécompte ? Ces causes nous paraissent les suivantes.

Toutes les fois que l’on a voulu reproduire en grand un modèle exécuté en petit, on a accru, dans la même proportion, les rapports de toutes les pièces ; mais on a oublié, dans cette circonstance, le rapide décaissement que la force électro-magnétique éprouve avec la distance. Aussi quand on a accru proportionnellement aux autres éléments de la machine, la distance entre les électro-aimants et les lames de fer doux, a-t-on fait perdre à l’appareil une grande partie de son intensité attractive. Il aurait fallu accroître beaucoup moins cet intervalle, pour ne rien perdre de la force attractive des aimants.

Une autre circonstance a rendu difficile la construction de moteurs électriques d’une grande puissance. Quand on veut augmenter l’intensité du courant voltaïque, le commutateur, c’est-à-dire l’appareil destiné à établir et interrompre successivement le passage de l’électricité qui doit provoquer les attractions magnétiques, est rapidement détruit, parce que toutes les fois qu’il y a interruption d’un courant électrique d’une très-grande intensité, il se manifeste de vives étincelles qui amènent la combustion, c’est-à-dire l’oxydation du métal, ce qui entraîne la destruction de cette partie délicate de l’appareil.

Fig. 240. — Gustave Froment.

Gustave Froment, ancien élève de l’École Polytechnique, mort en 1863, et qui était regardé comme le premier artiste de l’Europe pour les instruments de précision, était parvenu à beaucoup atténuer cette difficulté, et avait fait ainsi avancer d’un grand pas la question des applications mécaniques de l’électricité. Il subdivisait le fil conducteur, destiné à produire l’action électro-magnétique dans les diverses bobines et dans le commutateur. Au lieu d’un seul conducteur, qui rougit et entre en fusion par l’afflux d’une masse d’électricité, Froment partageait ce fil en un grand nombre de petits conducteurs (50 ou 60), qui allaient ensuite se distribuer au commutateur et aux diverses bobines électro-magnétiques. Dès lors, le commutateur n’étant traversé que par un courant assez faible, n’éprouve aucune altération.

Grâce à cette disposition, on a pu faire usage, dans de grands moteurs électriques, de courants voltaïques. Ainsi fut heureusement levé l’un des obstacles qui avaient arrêté jusque-là les physiciens dans la création des moteurs électriques de grande dimension.