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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/488

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aéronautes, rimèrent des épitaphes en leur honneur. Citons deux de ces épitaphes :

Ci-gît un jeune téméraire
Qui, dans son généreux transport,
De l’Olympe étonné franchissant la carrière,
Y trouva le premier et la gloire et la mort.


Ci-gisent qui, des airs franchissant la barrière,
Et planant sur le monde abaissé devant eux,
Du trône le plus glorieux,
Précipités dans la poussière,
Offrent de l’homme, au même instant,
Et la grandeur et le néant.

Voici un quatrain placé au bas du portrait de Pilâtre de Rozier :

Sa gloire, hélas ! ne fut qu’un rêve
Dont la fin prouve avec éclat,
Que le moment qui nous élève
Touche à celui qui nous abat.

Deux monuments ont été élevés à Pilâtre et à Romain, l’un sur le lieu même de la chute, l’autre dans le cimetière de Vimille, au-dessus de leur sépulture, au bord du chemin de Boulogne à Calais. Plusieurs inscriptions se lisent sur le mausolée de Vimille. Voici la plus importante ; elle a été composée en latin pour les érudits, et la traduction en français se trouve du côté qui fait face au cimetière :

f. p. de rozier et p. a. romain,
e bolonia profecti die juini 15, ann. 1785,
plus 5 mil. pedibus altiores præcipiti casu
prope turrem croaicam extincti sunt,
et hic ambo consepulti.

Une autre inscription, placée sur le mur de l’église de Vimille, fait connaître que des amis de Pilâtre et de Romain ont fondé à perpétuité une messe anniversaire dans cette église.

Cependant comme la gaieté française ne perd jamais ses droits, on trouva encore le moyen de faire de l’esprit sur la tombe de ces deux infortunés ; et l’on se plut à répéter la plaisanterie de M. de Bièvre, qui, en apprenant la mort de Romain, s’écria, dit-on, en parodiant deux vers de Corneille :

Je rends grâces aux dieux de n’être point Romain
Pour conserver encor quelque chose d’humain !

(Horace.)

CHAPITRE VIII

autres ascensions aérostatiques de 1785 à 1794. — le docteur potain traverse le canal saint-georges. — lunardi. — harper. — alban et vallet. — l’abbé miollan ; sa déconvenue au luxembourg.
Fig. 282. — Le docteur Potain.

La mort de ces premiers martyrs de la science aérostatique n’arrêta pas l’élan de leurs successeurs. En 1785, on vit, suivant l’expression d’un savant aéronaute qui a écrit le Manuel de son art, M. Dupuis-Delcourt, « le ciel se couvrir littéralement de ballons[1]. » Toutes ces ascensions, qui n’ont plus pour elles l’attrait de la nouveauté, et

  1. Aérostation, Ballons. In-12, chez Roret. Paris. 1850, P. 7.