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sieur Janinet, cet immense déboire, qui fut tant chansonné par la malignité parisienne.

L’abbé Miollan était un bon religieux qui était animé pour le progrès de l’aérostation, d’un zèle plus ardent qu’éclairé. Il s’associa à un certain Janinet, pour construire une montgolfière de cent pieds de haut, sur quatre-vingt-quatre de large.

Ce ballon, qui fut construit à l’Observatoire, par Janinet, était destiné à des expériences de physique. Le but des aéronautes était plus sérieux et plus désintéressé que ne le pensait le public. Le Journal de Paris va nous édifier sur ce point.

« Il n’est pas à présumer, dit ce journal, que l’entreprise de MM. l’abbé Miollan et Janinet ait été une spéculation pécuniaire ; il paraît qu’ils n’ont pu être conduits que par l’amour de la science et leur enthousiasme pour la superbe découverte de MM. Montgolfier. Le prospectus qu’ils donnèrent, au mois de mars dernier, annonçait du talent et de la modestie ; mais le public, déjà familiarisé avec le plus étonnant des phénomènes, ne s’empressa point de les seconder. Leur persévérance prouve assez sensiblement leur zèle pour les sciences en elles-mêmes ; la médiocrité de leur fortune ne fut point un obstacle pour eux ; et, s’ils n’ont point rempli plus tôt leurs engagements, c’est sans doute par le défaut d’encouragement de la part du public et la difficulté des avances.

Ils ont fait, du reste, à d’autres égards, plus qu’ils n’avaient promis ; leur prospectus annonçait une montgolfière de 70 pieds de diamètre ; ils en ont beaucoup augmenté les dimensions, et conséquemment les frais ; leur machine est la plus grande que l’on ait vue jusqu’à ce jour dans la capitale : il est entré dans sa construction plus de 3 700 aunes de toile ; sa hauteur, en y comprenant sa galerie, est de plus de 100 pieds, son diamètre de 84 et sa circonférence de 264. Toutes les expériences faites jusqu’à présent, sous les yeux de la capitale, n’ont présenté que deux voyageurs ; cette machine sera montée par quatre, savoir : MM. l’abbé Miollan et Janinet, auteurs de cet aérostat ; M. le marquis d’Arlandes et M. Bredin, mécanicien.

Nous avons remarqué que l’attention des auteurs s’est d’abord portée à simplifier l’appareil de la machine. Ils ont supprimé l’estrade où on la plaçait ordinairement, et les mâts extérieurs, et ils les ont suppléés par des mâts portatifs fixés à la galerie et destinés à voyager avec elle. Cette précaution a le triple avantage de permettre la suppression de l’estrade, de donner de la facilité pour remplir la machine dans le premier endroit venu et de la préserver du feu, en empêchant, au moment de la descente, le trop grand abaissement des toiles. Enfin, les voyageurs se pourvoient d’un étouffoir pour mettre sur le réchaud, d’une certaine quantité d’eau, de quelques éponges, de deux soupapes très-commodes, d’une ancre et d’une échelle de corde.

MM. l’abbé Miollan et Janinet ne s’étant pas proposé de donner au public un vain spectacle déjà connu, se destinent, dans leurs expériences, à l’essai de deux moyens physiques de direction, dont l’un a été imaginé par M. Joseph Montgolfier, qui ne l’a point exécuté ; il consiste dans une ouverture latérale pratiquée au ballon. L’air dilaté s’échappant par cette ouverture, frappe l’air extérieur, dont la réaction doit faire avancer la machine en sens contraire, avec une vitesse évaluée par l’auteur à six lieues par heure, en supposant l’ouverture d’un pied de diamètre. Un de nos plus célèbres physiciens, M. de Saussure, dans une lettre écrite au sujet de la grande montgolfière de Lyon, a dit qu’il était à souhaiter que quelqu’un fît l’essai de ce moyen.

Le même M. de Saussure, après avoir parlé des forces mécaniques appliquées aux aérostats, finit par dire que la connaissance des divers courants de l’atmosphère sera vraisemblablement, un jour, le moyen le plus efficace pour diriger les ballons. C’est pour parvenir à cette connaissance précieuse que MM. l’abbé Miollan et Janinet ont adapté à leur machine deux petits ballons, dont l’un, rempli d’air inflammable, doit s’élever au-dessus de la machine à 150 pieds, et l’autre, plein d’air atmosphérique, est suspendu à la même distance au-dessous. En supposant que l’effet de ces deux espèces de moyens n’ait pas tout le succès que l’on doit en attendre, on ne doit pas moins savoir gré à ces deux physiciens de les avoir essayés les premiers.

L’aérostat, dans l’état que nous venons de dire, partira dimanche à midi précis. Il s’élèvera de l’enclos séparé du jardin du Luxembourg. On tirera quatre boîtes : la première une demi-heure avant de rien commencer, pour avertir les personnes rassemblées dans le jardin de passer dans l’enclos ; la deuxième pour annoncer qu’on allume le feu ; la troisième pour indiquer que le ballon est parfaitement plein ; et la quatrième pour marquer le moment du départ.

« La distribution des billets se fera demain, jour de l’expérience, seulement dans deux bureaux, dont l’un sera placé dans la rue du Théâtre-Français, chez M. Cicéry, et l’autre à la place Saint-Michel, près le corps de garde. On y trouvera des billets de 6 livres pour entrer dans la première enceinte, ainsi que des billets de 3 livres pour entrer dans l’enclos. »

Le dimanche, 12 juillet 1785, une foule immense se répandit dans les jardins du Luxem-