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comme on lui offrait, au moment de s’élancer dans l’air, un verre de vin d’Espagne :

« Non, dit-il, j’ai besoin de tout mon sang-froid. Mais, si j’en reviens, quelle bonne bouteille je viderai ! »

La mort de Cocking fit voir sous un triste jour l’esprit mercantile des Anglais. L’aubergiste de la Tête du Tigre, montrait pour trois pence, le parachute, à demi brisé, et pour la même somme, le cadavre de l’infortuné aéronaute. L’aubergiste gagna 250 francs à cette exhibition funèbre.


CHAPITRE XII

application des aérostats aux sciences. — voyage scientifique de robertson et saccharoff. — voyage de mm. biot et gay-lussac.

Un temps considérable s’était écoulé depuis l’invention des aérostats, et les sciences n’en avaient encore retiré aucun profit. Aussi l’enthousiasme qui avait d’abord accueilli cette découverte, avait-il fait place à une indifférence et à un découragement extrêmes. On fondait si peu d’espoir sur l’application des aérostats aux sciences physiques, que vingt ans se passèrent sans amener une seule tentative dans cette voie. Ce n’est, en effet, qu’en 1803, que s’accomplit la première ascension exécutée dans un but scientifique. Le physicien Robertson en fut le héros.

Tout Paris a vu, sous l’Empire et sous la Restauration, le physicien Robertson montrant dans la rue de la Paix, à l’ancien couvent des Capucines, son cabinet de fantasmagorie. Les débuts de sa carrière avaient été plus brillants. Flamand d’origine, Robertson passa à Liége, lieu de sa naissance, la première partie de sa jeunesse. Il se disposait à entrer dans les ordres, et s’occupait à Louvain des études relatives à sa profession future, lorsque les événements de la révolution française le détournèrent de ce projet. Il vint à Paris, et se consacra à l’étude des sciences physiques. Il s’est vanté d’avoir fait connaître le premier, en France, les travaux de Volta sur l’électricité. Tout ce que l’on peut dire, c’est que, lorsque Volta vint à Paris exposer ses découvertes, Robertson l’accompagnait auprès des savants de la capitale, et avait avec lui des relations quotidiennes.

Peu de temps après, Robertson obtint au concours la place de professeur de physique au collége du département de l’Ourthe, qui faisait alors partie de la France. Mais son esprit aventureux et inquiet s’accommodait mal de la rigueur des règles de la maison : il abandonna sa place et revint à Paris. Après avoir essayé inutilement de diverses carrières, excité par les succès de Blanchard, il embrassa la profession d’aéronaute. Ses connaissances assez étendues en physique, lui devinrent d’un grand secours dans cette carrière nouvelle ; elles lui donnèrent les moyens d’exécuter la première ascension que l’on ait faite dans un intérêt véritablement scientifique.

Le beau voyage que Robertson exécuta à Hambourg, le 18 juillet 1803, avec son compatriote Lhoest, fit beaucoup de bruit en Europe. Les aéronautes demeurèrent cinq heures et demie dans l’air, et descendirent à vingt-cinq lieues de leur point de départ. Ils s’élevèrent jusqu’à la hauteur de 7 400 mètres, et se livrèrent à différentes opérations de physique. Entre autres faits, ils crurent reconnaître qu’à une hauteur considérable dans l’atmosphère, les phénomènes du magnétisme terrestre perdent sensiblement de leur intensité, et qu’à cette élévation l’aiguille aimantée oscille avec plus de lenteur qu’à la surface de la terre, phénomène qui indiquerait, s’il est vrai, un affaiblissement dans les propriétés magnétiques de notre globe à mesure que l’on s’élève dans les régions supérieures.

Robertson a écrit un exposé assez étendu de son ascension. Il est contenu dans un travail adressé à l’Académie de Saint-Pétersbourg et reproduit dans ses Mémoires récréatifs, scientifiques et anecdotiques.