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les oscillations de l’aiguille aimantée diminuaient d’intensité, ce qui l’amena à admettre l’affaiblissement du magnétisme terrestre à mesure que l’on s’élève dans les hautes régions de l’air. Nous ne rapporterons pas ces expériences, car nous les trouverons bientôt réfutées ou expliquées par M. Biot.

Fig. 304. — E. G. Robertson.

« À 11 heures et demie, continue Robertson, le ballon n’était plus visible pour la ville de Hambourg, du moins personne ne nous a assuré nous avoir observés à cette heure-là. Le ciel était si pur sous nos pieds, que tous les objets se peignaient à nos yeux dans un diamètre de plus de vingt-cinq lieues avec la plus grande précision, mais dans la proportion de la plus petite miniature. À 11 heures 25 minutes, la ville de Hambourg ne paraissait plus que comme un point rouge à nos yeux ; l’Elbe se dessinait en blanc, comme un ruban très-étroit. Je voulus faire usage d’une lunette de Dollon ; mais ce qui me surprit, c’est qu’en la prenant, je la trouvai si froide que je fus obligé de l’envelopper dans mon mouchoir pour la maintenir. Lorsque nous étions à notre plus grande élévation, il s’éleva du côté de l’est quelques nuages sous nos pieds, mais à une distance telle, que mon ami crut que c’était un incendie de quelque ville. La lumière, étant différemment réfléchie par les nuages que sur la terre, leur fait prendre des formes arrondies, et leur donne une couleur blanchâtre et éblouissante comme la neige ; beaucoup d’objets tels que des habitations, des lacs ou des bois, nous paraissaient des concavités.

« Ne pouvant supporter aussi longtemps que nous l’aurions désiré la position pénible où nous nous trouvions, nous descendîmes après avoir perdu beaucoup de gaz et de lest. Notre descente nous offrit le spectacle de la terreur que peut inspirer un aérostat aussi grand que le nôtre, dans un pays où l’on n’a jamais vu de semblables machines : elle s’effectuait justement au-dessus d’un pauvre village appelé Badenbourg, placé au milieu des bruyères du Hanovre ; notre apparition y jeta l’alarme, et l’on s’empressa de ramener les bestiaux des campagnes.

« Pendant que notre aérostat descendait avec assez de vitesse, nous agitions nos chapeaux, nos banderoles, et nous appelions à nous les habitants ; mais notre voix augmentait leur terreur. Ces villageois nous prenaient pour un oiseau qu’ils croyaient invulnérable, et que le préjugé leur fait connaître sous le nom d’oiseau de fer ou aigle d’acier. Ils couraient en désordre, jetant des cris affreux ; ils abandonnaient leurs troupeaux, dont les beuglements augmentaient encore l’alarme. Lorsque l’aérostat toucha la terre, chacun s’était enfermé chez soi. Ayant appelé inutilement à plusieurs reprises, et craignant que la frayeur ne les portât à quelques violences, nous jugeâmes qu’il était prudent de remonter, et je m’y déterminai avec d’autant plus de plaisir que je désirais faire un troisième essai sur l’électricité, que deux fois j’avais trouvée positive.

« Cette seconde ascension épuisa tout à fait notre lest ; nous en pressentions le besoin, car le ballon ayant longtemps nagé dans une atmosphère raréfiée, était flasque et avait perdu beaucoup de gaz ; nous fîmes cependant encore dix lieues. Je prévis que notre descente serait extrêmement accélérée ; comme il ne me restait plus de lest, je rassemblai tout ce qu’il y avait dans la nacelle, tels que les instruments de physique, le baromètre même, le pain, les cordes, les bouteilles, les effets et jusqu’à l’argent que nous avions sur nous ; je déposai tous ces objets dans trois sacs, qui avaient contenu le sable, je les attachai à une corde que je fis descendre à cent pieds au-dessous de la gondole. Ce moyen nous préserva de la secousse. Le poids parvint à terre avant l’aérostat, qui se trouva allégé de plus de cinquante livres. Il descendit plus lentement, sur la bruyère, entre Wichtenbeck et Hanovre, après avoir parcouru vingt-cinq lieues en cinq heures et demie. »

En quittant l’Allemagne, Robertson se rendit en Russie. Le bruit de ses expériences sur le magnétisme terrestre décida l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg à les faire répéter, par l’auteur lui-même. Avec