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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/547

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il a, comme elle, ses célébrités, et c’est ici qu’il faut citer les noms de madame Blanchard, de Jacques Garnerin, d’Élisa Garnerin, sa nièce, de Robertson fils, de Margat, de Charles Green et Georges Green, son fils. Cette carrière, semée de périls, avait tout au moins l’avantage d’être lucrative : Robertson est mort millionnaire, Jacques Garnerin laissa une fortune considérable, et Blanchard avait recueilli des sommes immenses dans ses pérégrinations à travers les deux mondes.

Rapporter en détail les différentes ascensions exécutées par ces aéronautes nous amènerait à étendre le cadre, déjà long, de cette Notice. Aussi nous bornerons-nous à signaler ceux de ces événements qui ont marqué l’empreinte la plus vive dans les souvenirs du public. À ce titre il faut parler d’abord de l’ascension du ballon lancé à Paris, à l’époque du couronnement de l’empereur Napoléon Ier.

Sous le Directoire et sous le Consulat, les grandes fêtes publiques qui se donnaient à Paris, étaient presque toujours terminées par quelque ascension aérostatique. Le soin de l’exécution de cette partie du programme était confié par le gouvernement à Jacques Garnerin, qui s’en acquittait avec autant de talent que de zèle. Jacques Garnerin était l’aéronaute officiel de l’Empire ; comme Dupuis-Delcourt fut, plus tard, l’aéronaute officiel de Louis-Philippe, et Eugène Godard, celui de l’empereur Napoléon III. L’ascension qui eut lieu à l’époque du couronnement de Napoléon, est restée justement célèbre ; le gouvernement mit 30 000 fr. à la disposition de Garnerin pour lancer, après les réjouissances de la journée, un aérostat de dimensions colossales.

Le 16 décembre 1804, à 11 heures du soir, au moment où un superbe feu d’artifice venait de lancer dans les airs sa dernière fusée, le ballon construit par Garnerin s’éleva de la place Notre-Dame. Trois mille verres de couleur illuminaient ce globe immense, qui était surmonté d’une couronne impériale richement dorée, et portant, tracée en lettres d’or sur sa circonférence, cette inscription : Paris, 25 frimaire an XIII, couronnement de l’empereur Napoléon par Sa Sainteté Pie VII. La colossale machine monta rapidement et disparut bientôt au bruit des applaudissements de la population parisienne.

Le lendemain, à la pointe du jour, quelques habitants de Rome aperçurent un petit point lumineux brillant dans le ciel au-dessus de la coupole de Saint-Pierre. D’abord très-peu visible, il grandit rapidement et laissa apercevoir enfin un globe radieux planant majestueusement au-dessus de la ville éternelle. Il resta quelque temps stationnaire, puis il s’éloigna dans la direction du sud.

C’était le ballon lancé la veille du parvis Notre-Dame. Par le plus extraordinaire des hasards, le vent, qui soufflait, cette nuit-là, dans la direction de l’Italie, l’avait porté à Rome dans l’intervalle de quelques heures.

Le ballon continua sa route dans la campagne romaine. Cependant il s’abaissa bientôt, toucha le sol, remonta, retomba pour se relever une dernière fois, et vint s’abattre enfin dans les eaux du lac Bracciano. On s’empressa de retirer des eaux la machine à demi submergée, et l’on put y lire cette inscription : Paris, 25 frimaire an XIII, couronnement de l’empereur Napoléon par Sa Sainteté Pie VII. Ainsi le messager céleste avait visité dans le même jour les deux capitales du monde ; il venait annoncer à Rome le couronnement de l’empereur, au moment où le pape était à Paris, au moment où Napoléon s’apprêtait à poser sur sa tête la couronne d’Italie.

Une autre circonstance vint ajouter encore au merveilleux de l’événement. Le ballon, en touchant la terre dans la campagne de Rome, s’était accroché aux restes d’un monument antique. Pendant quelques minutes, il parut devoir terminer là sa route ; mais le vent l’ayant soulevé, il se dégagea et remonta,