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79 000 francs. La différence, c’est-à-dire la perte, est, en définitive, de 121 000 francs.

Ce résultat répondait mal, on le voit, à l’espérance de ceux qui avaient compté sur les bénéfices réalisés dans les ascensions publiques du Géant, pour entreprendre la construction d’aérostats à hélice, sous l’inspiration de l’agitateur intrépide et chaleureux, qui a pris pour devise : Plus lourd que l’air !

Le 26 septembre 1864, le Géant fit sa troisième ascension à Bruxelles, pour s’associer aux fêtes du 34e anniversaire de l’indépendance belge. Le gouvernement et la ville lui avaient alloué une indemnité de 20 000 francs, et l’avaient autorisé, en outre, à faire payer ce spectacle par ceux des amateurs qui tiennent, en pareille circonstance, à avoir toutes leurs aises. Mais le Géant voulait lutter de générosité avec le gouvernement qui offrait ce spectacle à la population. Il renonça au seul bénéfice réel qu’il pouvait retirer de cette ascension, c’est-à-dire aux droits d’entrée, car les 20 000 francs alloués ne représentaient que les frais de voyage.

Cette fois, en outre, on devait faire quelques observations scientifiques. C’est dans ce but que le Géant emmenait MM. le capitaine Sterckx, aide de camp du ministre de la guerre, le lieutenant Frédérick et l’ingénieur de Rote.

Mais la disproportion de la soupape avec la capacité du Géant, qui avait été cause de la catastrophe du Hanovre, subsistait toujours. Rentré dans la légitime possession de son ballon, tout juste à temps pour l’ascension du 26 septembre, M. Nadar n’avait pas eu le loisir d’adapter une autre soupape. Il fallait donc songer à un expédient qui pût promettre aux voyageurs quelque sécurité.

M. Nadar sentait bien qu’il devait sauver la réputation si compromise de son Géant, par la sagesse de sa nouvelle ascension. Pris ainsi in extremis et forcé de conserver cette fois encore la funeste soupape, dont le premier aspect, à Londres, avait fait hausser les épaules à MM. Glaisher et Coxwell, il eut l’idée d’y adjoindre une sorte de soupape de réserve ou de miséricorde. Il fit coudre solidement, sur la partie supérieure du ballon et en dehors, une corde légère, qui partait de l’équateur et remontait sur le cintre, jusqu’au sommet. Là, elle rentrait dans le ballon et retombait par l’ouverture de l’appendice, à côté de l’autre corde de soupape, à la portée de l’équipage. Au point où cette corde opérait sa rentrée dans le ballon, sous une pièce de soie superposée, une déchirure était, pour ainsi dire, amorcée ; en d’autres termes, la corde entraînait déjà un lambeau d’étoffe, suffisamment retenu contre son poids et celui de son attache, jusqu’au moment de servir. Qu’il y eût le moindre vent à la descente, et sans même demander à l’autre soupape son dérisoire secours, on se suspendrait à cette corde de salut, et le ballon, éventré par la déchirure, s’affaisserait sur place. M. Camille Dartois, le nouveau chef de manœuvre du Géant, avait approuvé et disposé immédiatement ce nouveau système, toutefois un peu primitif, il nous semble.

Beaucoup d’autres précautions furent prises pour cette nouvelle ascension. Dès le premier voyage, M. Nadar avait fait acheter des grelots et sonnettes, qu’il entendait disposer, de dix en dix mètres, le long d’une ficelle pendant au-dessous de la nacelle, et terminée par un léger poids, qui, ayant une fois touché terre, devait donner le branle à toute la sonnerie. Mais L. Godard n’avait pas voulu accepter ce carillon d’une nouvelle espèce.

Songeant toujours à cette précaution, M. Nadar avait modifié sa première idée : il comptait fixer un seul timbre sur le bord de la nacelle, en rapport avec la ficelle flottante ; et, au lieu d’un seul appareil de ce genre ; il voulait en attacher au ballon quatre de longueurs différentes (50, 100, 150, 200 mètres), afin de tout prévoir, car le tintement successif des quatre sonneries pouvait avertir utilement