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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/592

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de la pratique, ont trahi toutes les espérances des inventeurs.

Presque au début de l’aérostation, Monge traita le premier, la question qui nous occupe. Il proposa un système de vingt-cinq petits ballons sphériques, attachés l’un à l’autre comme les grains d’un collier, formant un assemblage flexible dans tous les sens, et susceptible de se développer en ligne droite, de se courber en arc dans toute sa longueur ou seulement dans une partie de sa longueur, et de prendre, avec ces formes rectilignes ou ces courbures, la situation horizontale ou différents degrés d’inclinaison. Chaque ballon devait être muni de sa nacelle et dirigé par un ou deux aéronautes. En montant ou en descendant, suivant l’ordre transmis, au moyen de signaux, par le commandant de l’équipage, ces globes auraient imité dans l’air le mouvement du serpent dans l’eau. Nous n’avons pas besoin de dire que cet étrange projet ne fut pas mis à exécution.

Meunier a traité plus sérieusement le problème de la direction des aérostats. Le travail mathématique qu’il a exécuté sur cette question, en 1784, est digne d’être encore médité. Meunier voulait employer un seul ballon de forme sphérique et d’une dimension médiocre. Ce ballon se trouvait muni d’une seconde enveloppe, destinée à contenir de l’air comprimé. À cet effet, un tube faisait communiquer cette enveloppe avec une pompe foulante placée dans la nacelle ; en faisant agir cette pompe, on introduisait, entre les deux enveloppes, une certaine quantité d’air atmosphérique, dont l’accumulation augmentait le poids du système, et donnait ainsi le moyen de redescendre à volonté. Pour remonter, il suffisait de donner issue à l’air comprimé ; le ballon s’allégeait, et regagnait les couches supérieures. Ni lest ni soupape n’étaient donc nécessaires, ou plutôt les navigateurs avaient toujours le lest sous la main, puisque l’air atmosphérique en tenait lieu.

Quant aux moyens de mouvement, Meunier ne comptait que sur les courants atmosphériques ; en se plaçant dans leur direction, on devait obtenir une vitesse considérable. Mais pour chercher ces courants et pour s’y rendre, il faut un moteur et un moyen de direction. Meunier pensait que le moteur le plus avantageux, c’étaient les bras de l’équipage. Il employait, comme mécanisme pour utiliser cette force, les ailes d’un moulin à vent, qu’il multipliait autour de l’axe, afin de pouvoir les raccourcir sans diminuer leur superficie totale ; il donnait à ces ailes une inclinaison telle, qu’en frappant l’air, elles transmettaient à l’axe une impulsion dans le sens de sa longueur, impulsion qui devait entraîner la progression de l’aérostat. L’équipage était employé à faire tourner l’axe de ce moulin à vent.

L’auteur de ce projet avait calculé qu’en employant toutes les forces des passagers, on ne pourrait communiquer au ballon que la vitesse d’une lieue par heure. Cette vitesse suffisait cependant au but qu’il se proposait, c’est-à-dire pour trouver le courant d’air propice auquel il devait ensuite abandonner sa machine[1].

Tels sont les principes sur lesquels Meunier croyait devoir fonder la pratique de la navigation aérienne. Son projet de lester les ballons avec de l’air comprimé, mériterait d’être soumis à l’expérience ; mais on voit que la navigation aérienne, exécutée dans ces conditions, ne répondrait que bien imparfaitement aux espérances qu’on en a conçues.

  1. Les mémoires dans lesquels Meunier expose ses idées sur la navigation aérienne, sont fort peu connus. Le travail dans lequel il propose de lester les ballons avec de l’air comprimé, a été publié au mois de juillet 1784, dans le Journal de physique de l’abbé Rozier. Un autre travail de Meunier, encore moins connu que le précédent, est un Précis des travaux faits à l’Académie des sciences de Paris pour la perfection des machines aérostatiques. Ce mémoire n’existe qu’en manuscrit : il est déposé à la bibliothèque de l’École d’application de Metz. Nous en avons publié quelques extraits dans les premières éditions de notre ouvrage, intitulé : Exposition et histoire des principales découvertes scientifiques modernes.