Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 2.djvu/611

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dépenses avaient été faites, et des observations, dans cette atmosphère troublée, pouvaient conduire à des résultats utiles. Nous nous décidâmes à partir. Le départ eut lieu à 4 heures ; il présenta quelque difficulté à cause de l’espace, très-rétréci, que le jardin de l’Observatoire laissait à la manœuvre. Le ballon était très-éloigné de la nacelle, comme on vient de le voir, et emporté par le vent, il prit le devant sur le frêle esquif dans lequel nous étions montés ; ce ne fut que par une série d’oscillations à une assez grande distance de chaque côté de la verticale, que nous finîmes par être tranquillement suspendus à l’aérostat. Nous allâmes frapper contre des arbres et contre un mât ; il en résulta qu’un des baromètres fut cassé et laissé à terre. Le même accident arriva au thermomètre à surface noircie.

« Nous transcrivons ici les notes que nous avons prises pendant notre ascension.

« 4h 3m. Départ. Le ballon s’élève d’abord très-lentement, en se dirigeant vers l’est ; il prend un mouvement ascendant plus rapide, après la projection de quelques kilogrammes de lest. Le ciel est complètement couvert de nuages, et nous nous trouvons bientôt dans une brume légère.

Heures. Baromètre. Thermomètre. Hauteur.
4h  6m 694mm,70 + 16° 757m
4   8 674      96 » 999   
4   9  3s 655       57 + 13,0 1 244   
4  11 636      68 + 9,8 1 483   

« Au-dessus de nous s’étend une couche continue de nuages ; au-dessous, nous apercevons çà et là des nuages détachés qui semblent rouler sur Paris. Nous sentons un vent frais.

Heures. Baromètre. Thermomètre. Hauteur.
4h 13m 597mm,73 + 9°,0 2 013m
4  15 558      70 » 2 567   
4  20 482       20 — 0°,5 3 751   

« Le nuage dans lequel nous pénétrons présente l’apparence d’un brouillard ordinaire très-épais ; nous cessons de voir la terre.

Baromètre. Thermomètre. Hauteur.
405mm,41 — 7°,0 5 121m

« Quelques rayons solaires deviennent perceptibles à travers les nuages.

« Le baromètre oscille de 366mm,99 à 386mm,42 ; le thermomètre marque 9°,0 ; le calcul donne de 5 911 à 5 492 pour la hauteur à laquelle nous sommes parvenus en ce moment.

« Le ballon est entièrement gonflé ; l’appendice, jusqu’ici resté aplati sous la pression de l’atmosphère, est maintenant distendu, et le gaz s’échappe par son orifice inférieur sous forme d’une traînée blanchâtre ; nous sentons très-distinctement son odeur. On aperçoit une déchirure dans le ballon à une distance de 1m,05 environ de l’origine de l’appendice ; cette déchirure augmente seulement l’étendue de l’issue donnée au gaz ; comme elle est à la partie inférieure, elle ne diminue que faiblement la force ascensionnelle de l’aérostat.

« Une éclaircie se manifeste et laisse voir vaguement la position du soleil.

« Le ballon reprend sa marche ascendante, après un nouvel abandon de lest.

« 4h 25m. Des oscillations du baromètre entre 347mm,75 et 367mm,04 indiquent une nouvelle station de l’aérostat ; le thermomètre varie de 10°,5 à 9°,8 ; la hauteur à laquelle nous sommes parvenus varie de 6 330 à 5 902 mètres.

« Le brouillard, beaucoup moins intense, laisse apercevoir une image blanche et affaiblie du soleil.

« Un nouvel abandon de lest détermine une nouvelle ascension du ballon qui arrive à une nouvelle position stationnaire indiquée par de nouvelles oscillations du baromètre. Nous sommes couverts de petits glaçons, en aiguilles extrêmement fines, qui s’accumulent dans les plis de nos vêtements. Dans la période descendante de l’oscillation barométrique, par conséquent pendant le mouvement ascendant du ballon, le carnet ouvert devant nous les ramasse de telle façon qu’ils semblent tomber sur lui avec une sorte de crépitation. Rien de semblable ne se manifeste dans la période ascendante du baromètre, c’est-à-dire pendant la descente de l’aérostat.

Le thermomètre horizontal vitreux marque 
 4°,69
Le thermomètre argenté 
 8°,95

« Nous voyons distinctement le disque du soleil à travers la brume congelée ; mais, en même temps, dans le même plan vertical, nous apercevons une seconde image du soleil, presque aussi intense que la première ; les deux nuages paraissent disposés symétriquement au-dessus et au-dessous du plan horizontal de la nacelle, en faisant chacune avec ce plan un angle d’environ 30 degrés. Ce phénomène s’observe pendant plus de dix minutes.

« La température baisse très-rapidement ; nous nous disposons à faire une série complète d’observations sur les thermomètres à rayonnement et sur les thermomètres du psychromètre ; mais les colonnes mercurielles sont cachées par les bouchons, parce que l’on n’avait pas prévu un abaissement aussi brusque de la température. Le thermomètre des enveloppes concentriques en fer-blanc marque 23°,79.

« Nous ouvrons une cage où se trouvent deux pigeons ; ils refusent de s’échapper ; nous les lançons dans l’espace ; ils étendent les ailes, tombent en tournoyant et en décrivant de grands cercles et disparaissent bientôt dans le brouillard qui nous entoure. Nous n’apercevons pas au-dessous de nous