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Au reste, la question des dangers de la méthode anesthésique est complexe ; et, comme le remarque avec beaucoup de raison M. Bouisson, il est nécessaire, pour la résoudre, de distinguer entre les agents anesthésiques et la méthode elle-même. Il n’est pas douteux que les substances douées de la propriété d’anéantir la sensibilité de nos organes, ne trouvent dans cette propriété même la source de certains périls. Mais les chances dangereuses ne sont pas les mêmes pour le chloroforme et pour l’éther. L’emploi de l’éther sulfurique ne peut soulever aucune crainte sérieuse ; les cas de mort attribués à cette substance sont peu nombreux et tous susceptibles d’une victorieuse discussion. L’anesthésie au moyen du chloroforme présente moins de sécurité ; et si les chirurgiens, adoptant une mesure dictée par une prudence parfaitement justifiée, selon nous, se décidaient à abandonner son usage, pour s’en tenir à l’emploi de l’éther sulfurique, ils réduiraient au silence les derniers détracteurs de la méthode anesthésique.

Il est bon de remarquer d’ailleurs que, par suite de l’attention dirigée vers les études de ce genre, il y a lieu d’espérer que l’on parviendra à découvrir, parmi les agents anesthésiques actuellement connus, ou bien chez d’autres substances non encore signalées, un produit nouveau dont l’action tienne le milieu entre celles de l’éther et du chloroforme, et qui permette de jouir des avantages du premier, tout en évitant les dangers auxquels le second nous expose.

Bien que l’éther et le chloroforme soient les seuls composés employés en chirurgie, on connaît déjà plus de trente substances jouissant de la propriété anesthésique ; un travail de M. Nunnely, publié en 1859, sous le titre de : On anesthœsia and anesthœsic Substances generally, contient sur ce sujet des indications utiles à consulter. Les substances auxquelles M. Nunnely accorde la propriété stupéfiante la plus marquée et la plus innocente sont : l’éther sulfurique, — les carbures d’hydrogène gazeux, et le plus particulièrement, parmi ces divers carbures d’hydrogène, le gaz de l’éclairage ordinaire, — l’éther chlorhydrique, — l’éther hydrobromique, — le chloroforme, — l’aldéhyde, — le chlorure de gaz oléfiant, — et le chlorure de carbone.

À cette liste il convient d’ajouter, comme jouissant de propriétés anesthésiques, le gaz oxyde de carbone, le gaz acide carbonique, l’éther azoteux, l’éther formique, le chloroformo-méthylal, le sulfure de carbone, l’essence de moutarde, la créosote, l’essence de lavande, l’essence d’amandes amères, la benzine, les vapeurs d’huile de naphte, et celles de l’iodoforme. Mais une remarque importante à faire ici, c’est qu’un certain nombre de ces corps sont des poisons actifs, et doivent, à ce titre, être rejetés de l’emploi médical. Les seuls anesthésiques, parmi tous ceux que nous venons de nommer, qui n’agissent point comme poisons, et qui peuvent dès lors être acceptés pour l’usage chirurgical, sont, avec le chloroforme et l’éther sulfurique, les éthers chlorhydrique, bromhydrique, chlorhydrique chloré, acétique, l’aldéhyde, le chloroformo-méthylal et l’huile de naphte.

Nous ne devons pas manquer d’ajouter que l’année 1857 a vu la découverte d’un agent anesthésique nouveau, et qui a beaucoup attiré l’attention, parce qu’il a paru un moment répondre au desideratum signalé plus haut, c’est-à-dire d’une substance dont l’action tient le milieu, sous le rapport de l’activité, entre celles du chloroforme et de l’éther. Cette substance, c’est l’amylène, qui a été découvert par M. Cahours, dans l’huile de pomme de terre, et plus tard, en 1844, par M. Balard, dans les produits de la distillation du marc de raisin. M. Snow, praticien de Londres, à la suite d’essais faits en novembre 1856, sur un grand nombre de malades, a reconnu que l’amylène produit un effet anesthésique, non accompagné de symptômes graves aux-