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la glace comme réfrigérant et anesthésique non-seulement par la rapidité et l’énergie de son action, mais encore par la facilité avec laquelle on peut en graduer l’effet. La réaction qui suit l’anesthésie par l’éther, est modérée, tandis que la réaction qui suit l’application, trop longtemps continuée, de la glace, peut aller jusqu’à amener la gangrène. Enfin, la glace manque en beaucoup de localités, tandis que l’éther est toujours et partout sous la main.

Les expériences de M. Demarquay, jointes à celles de plusieurs autres chirurgiens, ont, en résumé, consacré les avantages de l’anesthésie locale produite par l’éther pulvérisé. Ce moyen est certainement appelé à s’introduire de plus en plus dans la pratique chirurgicale. Il engage beaucoup moins la responsabilité de l’opérateur que l’administration du chloroforme, qui est toujours, en principe, environnée de dangers. Beaucoup de médecins de province reculent devant la chloroformisation, parce qu’ils ont des motifs sérieux de la redouter, ou parce qu’ils manquent des aides nécessaires. L’appareil à éthérisation locale, est, au contraire, d’un usage si simple, qu’il est à la portée de tout le monde, et de plus, il paraît exempt de dangers. L’anesthésie locale facilitera toutes les opérations de la petite chirurgie, telles qu’ouvertures d’abcès, d’anthrax, de phlegmons, de panaris, de fistules, etc., les extractions de corps étrangers, ongles incarnés et autres opérations analogues superficielles ou de courte durée. On peut donc espérer que son emploi se répandra rapidement dans la pratique.

On a vu se produire récemment, en Amérique, puis en France, un mode tout particulier d’emploi de l’anesthésie, dont nous ne pouvons nous dispenser de dire quelques mots, en terminant cette notice. Il s’agit d’une sorte d’anesthésie locale, provoquée par un agent, que l’on administre pourtant par voie d’inhalation pulmonaire, comme s’il s’agissait de l’éther ou du chloroforme. Nous voulons parler du protoxyde d’azote, respiré pour produire une insensibilité générale, très-fugitive, sans doute, mais suffisante pour permettre l’extraction d’une dent, sans aucun sentiment de douleur pour le patient.

Nous avons longuement parlé, dans les premières pages de cette notice, des expériences faites en 1800, par Humphry Davy et autres observateurs, sur le protoxyde d’azote. En 1864, plusieurs dentistes américains, et notamment M. A. Préterre, de New-York, ont expérimenté de nouveau le protoxyde d’azote, et reconnu que ce gaz est un véritable anesthésique, dont l’action est seulement de très-courte durée.

M. Préterre, dentiste de Paris, frère du précédent, répéta ces mêmes expériences, en 1866. Il arracha six dents ou racines, à une jeune dame extrêmement nerveuse, qu’il avait placée sous l’influence du protoxyde d’azote. L’opération fut si peu douloureuse, qu’à son réveil la patiente priait l’opérateur de commencer bien vite. Depuis ce premier essai, M. Préterre a fait de nombreuses applications de ce gaz, et il se sert aujourd’hui quotidiennement de ce moyen, pour éviter aux patients, qui en expriment le désir, la terrible douleur de l’avulsion dentaire.

L’anesthésie provoquée par le protoxyde d’azote, se manifeste après une ou deux minutes d’inspiration de ce gaz ; elle dure de trente à quarante secondes, temps suffisant pour pratiquer l’extraction d’une dent. En prolongeant l’inspiration, M. Préterre obtint une fois, trois minutes d’insensibilité complète, mais il ne voulut pas aller plus loin.

La dose de gaz nécessaire pour produire l’anesthésie est de vingt-cinq à trente litres.

Ce qui caractérise l’anesthésie provoquée par le protoxyde d’azote, c’est la rapidité avec laquelle elle se produit, et sa courte durée. On peut endormir le patient, lui extraire deux dents molaires, et le réveiller, le tout dans l’espace de deux minutes.