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d’une durée indéfinie, comme les émaux peints et les peintures sur porcelaine. On encadre ces portraits comme des miniatures, ou bien on les monte en bijoux, à nu ou en relief, à la manière des camées et des pierres gravées.

M. Lafon de Camarsac et M. V. Deroche se sont fait, à Paris, une juste réputation pour leurs portraits photographiques sur émail.

Le premier de ces opérateurs a publié, en 1868, sous ce titre : Portraits photographiques sur émail, une brochure dans laquelle on cherche en vain une description précise du procédé qui sert à obtenir ces nouveaux produits. L’auteur, n’ayant pas voulu sans doute divulguer ses méthodes particulières, ne cite aucune des substances dont il fait usage, et se tient dans des termes vagues et généraux.

Après avoir rappelé le procédé général en usage pour obtenir les épreuves de photographie sur papier, M. Lafon de Camarsac s’exprime ainsi :

« Dans les opérations ordinaires de la photographie sur papier, c’est toujours la matière sensible elle-même, plus ou moins modifiée, qui constitue l’image définitive.

« Il semblerait que l’on dût facilement obtenir, par les procédés ordinaires de la photographie, une épreuve vitrifiée, en produisant une image sur la plaque d’émail et en l’y incorporant par la fusion ; mais il s’en faut de beaucoup qu’aucun des corps sensibles dont serait formée cette image puisse résister au feu d’émailleur : ils sont tous volatilisés, brûlés, anéantis, bien avant que la chaleur ait même ramolli les surfaces émaillées.

« Le problème ne pouvait donc pas être résolu avec les procédés ordinaires ; et aucun fait, en photographie, ne devait même autoriser à considérer cette solution comme possible.

« Ce n’est donc pas en cherchant dans les diverses matières sensibles les éléments de la vitrification de l’épreuve, que nous avons atteint le but ; c’est au contraire en leur substituant les couleurs vitrifiables dans la formation de l’épreuve elle-même. Deux méthodes, reposant sur ce principe, peuvent être pratiquées :

« 1o La couleur d’émail, celle-là même employée dans la peinture, est mélangée intimement à une solution de matière sensible à la lumière, qu’on étend en couche mince. Le cliché superposé à cette surface ainsi composée, on laisse agir la lumière : tous les points atteints deviennent insolubles.

« Il suffit donc, pour dégager l’image vitrifiable, de faire agir le dissolvant de la matière sensible sur toute la surface de la couche : les parties non attaquées par la lumière seront dissoutes et disparaîtront, entraînant avec elles la couleur d’émail qui leur était mêlée ; les parties insolées demeurent seules et forment l’image qui se trouve ainsi composée de matière sensible et de couleur vitrifiable. Le feu détruit la matière sensible et vitrifie la couleur d’émail, qui seule a subsisté après ces diverses opérations.

« 2o Une couche sensible est formée ; cette fois, elle ne contient pas de couleur d’émail. Après l’exposition sous le cliché, on la traite par un dissolvant dont l’action puisse être facilement conduite et ménagée. Sous cette action, les parties non insolées s’amollissent ou s’imprègnent d’abord du dissolvant : on arrête l’opération, et l’on procède à l’inclusion de la couleur vitrifiable. Cette couleur, broyée en poudre impalpable, est promenée au pinceau sur toute la couche ; elle prend et adhère partout où le dissolvant a agi ; elle ne s’attache point ailleurs. L’image est donc encore formée de couleur vitrifiable et de matière sensible ; le feu élimine cette dernière et fixe la poudre d’émail par la fusion.

« Dans les deux cas, la lumière a en quelque sorte sculpté la matière molécule par molécule, et la couleur d’émail s’est modelée et comme moulée sur cette matrice ; elle en traduit absolument toutes les finesses.

« Cette propriété qu’acquièrent certaines substances de devenir insolubles dans les parties où la lumière les a frappées, est connue depuis l’origine de la photographie, depuis Talbot, depuis Niépce et Daguerre eux-mêmes ; on voit comment elle a été utilisée pour l’inclusion des matériaux qui doivent former l’image inaltérable.

«… Nous n’entrerons point dans les détails infinis des opérations pratiques : elles donnent lieu à des manipulations trop nombreuses et trop spéciales pour être décrites dans un exposé sommaire. »

Nous suppléerons au silence de M. Lafon de Camarsac, en décrivant le procédé qui est suivi par le plus grand nombre des opérateurs pour la préparation des photographies sur émail. On va voir que ce procédé est extrêmement curieux, extrêmement délicat, et qu’il présente de grandes difficultés, dont on ne peut triompher que par une longue pratique et la connaissance exacte des procédés du peintre décorateur sur porcelaine et sur émail.