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Devant les deux yeux, placez votre main gauche dans la position verticale, de manière que le pouce et l’index soient seuls visibles. Fermez l’œil droit, et ouvrez le gauche, vous apercevrez la face antérieure de la main B (fig. 117.). Fermez maintenant l’œil gauche et ouvrez le droit, l’image sera totalement changée : ce n’est plus la face antérieure de la main que vous verrez, ce sera la face interne, C. Ouvrez les deux yeux, et vous ne verrez plus qu’une seule image, A, qui représente une partie des deux faces antérieure et postérieure de votre main. Cette observation prouve que c’est bien la combinaison que notre esprit fait de ces deux images séparées, qui produit l’image entière que nous apercevons des deux yeux.

Fig. 117. — Les trois aspects de la main.

Aux deux images distinctes que tout objet envoie à chacun de nos yeux, si nous substituons deux dessins qui soient bien identiquement la représentation de chacune de ces images, nous nous placerons dans les mêmes conditions que la vision naturelle, et nous aurons non-seulement la sensation du relief, mais encore celle de la couleur, de la dégradation des teintes, en un mot le même sentiment que si nous avions la nature elle-même devant les yeux.

La figure 118 (page 196) représente deux dessins tels qu’on verrait le même sujet, en regardant d’abord de l’œil droit seulement, ensuite de l’œil gauche seul. Pour construire un stéréoscope, c’est-à-dire un instrument qui produise en nous les mêmes sensations que la vision naturelle, nous n’avons plus, étant donnés les deux dessins des images distinctes, qu’à trouver un moyen d’envoyer sur les rétines de chacun de nos yeux ces images, comme le ferait l’objet lui-même.

On peut, sans avoir recours à aucun instrument, déterminer avec les deux images de la figure 118 la sensation du relief, par un artifice bien simple. Plaçons sur une table, à côté l’un de l’autre et en face de son œil respectif, le dessin droit et le dessin gauche ; fixons-les attentivement, de manière à ne pas laisser errer notre regard : alors nous verrons l’objet représenté par les dessins nous apparaître avec ses trois dimensions, comme si nous le regardions dans l’espace.

Comme il est très-difficile de fixer les yeux sur deux objets différents, on peut rendre la chose plus commode en plaçant devant le nez une cloison quelconque, en papier, ou même la main. Mais, outre la fatigue très-grande que produit ce mode d’observation, un inconvénient sérieux, c’est qu’il occasionne des douleurs de tête, et si cet exercice est prolongé quelque temps, il peut provoquer le strabisme. On peut, sans s’exposer à aucun de ces dangers, se servir du stéréoscope de Brewster, qui sera décrit dans le chapitre suivant ; et alors le relief apparaît avec toute évidence.

Un physicien anglais, M. Brücke, a fait, dans le même ordre de démonstrations, d’autres remarques. Il a prouvé que notre vue ne peut embrasser un objet tout entier d’une vision très-distincte, et que la lucidité d’un point quelconque de cet objet est toujours au détriment de la clarté du reste de ses parties. Quand nous regardons un corps, ce n’est donc pas du premier coup que nous en percevons toutes les formes, mais bien grâce à une série d’impressions se produisant à des intervalles très-rapprochés, il