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allumée jetée par un passant, à la porte de Bruxelles, enflamma la traînée de poudre ; le feu se propagea jusqu’à la voiture qui était à trois quarts de lieue de la ville et la fit sauter.

Pendant la guerre d’Italie, en 1859, près de Vérone, deux trains de chemins de fer se rencontrent. Les munitions de guerre d’une batterie que l’on transportait, sautent en l’air et amènent des accidents déplorables.

Tous ces malheurs, dont nous n’étendrons pas davantage la liste, ont fait penser, de tout temps, à préserver la poudre contenue dans les magasins des accidents qui la menacent.

M. le général Piobert indiqua, en 1830, un moyen qui éloignerait à peu près tout danger dans le transport et l’emmagasinage de la poudre. Ce moyen consiste à mélanger à la poudre l’un quelconque de ses trois éléments, c’est-à-dire du salpêtre, du soufre ou du charbon, très-finement pulvérisé, de telle sorte qu’il remplisse tout l’intervalle laissé entre les grains, et empêche l’inflammation de se propager d’un seul coup dans toute la masse. Si l’on jette une mèche allumée sur un baril de poudre de guerre mêlé à du poussier de charbon et défoncé, il ne fait pas explosion : il brûle longtemps avec une belle gerbe lumineuse, mais sans danger pour les assistants. De même, le salpêtre mêlé à la poudre, empêche sa combustion : d’abord rapide, elle se ralentit, puis s’arrête bientôt.

La poudre peut donc être conservée sans aucun danger avec l’addition de l’une de ces substances. Quand on veut s’en servir, un simple tamisage permet de la séparer des corps étrangers interposés entre ses grains.

M. Fadéieff, chimiste russe, a proposé de conserver la poudre avec un mélange de charbon de bois et de graphite.

Mais de tous les moyens de conserver avec sécurité la poudre dans les arsenaux et magasins, le meilleur peut-être a été proposé, en 1862, par un chimiste anglais, M. Gale, et soumis à des expériences concluantes.

M. Gale expérimenta ce procédé sur une grande échelle, au tir de Wimbledon, devant les volontaires, ensuite devant le duc de Cambridge et une réunion de gens du monde, avec un succès complet. Il fit apporter un baril de poudre de guerre, qu’il mêla avec deux fois son volume d’une poussière particulière ; puis il mit le feu au mélange : la poudre resta muette et immobile. Une fusée enflammée éclata au milieu du baril, sans produire le moindre effet ; une barre de fer rouge, plongée dans la poudre enchantée, laissa le mélange parfaitement intact.

M. Gale prit alors un peu de cette poudre devenue inoffensive, et il la fit passer à travers un crible, pour la séparer de la matière étrangère avec laquelle elle avait été mélangée. Ce tamisage lui rendit toute son inflammabilité primitive.

La poudre peut, d’ailleurs, subir ces deux traitements successifs aussi souvent qu’on le veut. Elle reste complètement inerte tant qu’elle est mélangée avec la substance très-divisée dont se sert M. Gale. On peut dès lors la transporter ou la conserver sans danger ; mais dès qu’elle est débarrassée de cette substance, par le tamis, elle reprend ses propriétés explosives.

Le procédé de M. Gale n’est pas un secret. La substance mystérieuse qu’il ajoute à la poudre, est du verre pulvérisé, aussi fin que possible, bien plus fin que la poudre elle-même. Avec parties égales de poudre et de verre pulvérisé, l’inflammabilité de la poudre de guerre est déjà singulièrement diminuée. Avec 2 ou 3 parties de verre pulvérisé pour 1 partie de poudre, l’effet est beaucoup plus prononcé. Pour rendre la poudre tout à fait inerte, si bien qu’elle puisse servir, comme le sable, à éteindre le feu, il faut prendre 1 partie de poudre à canon et 4 parties de verre pulvérisé, et les bien mêler. Dans un baril de poudre ainsi préparé on peut introduire