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Le général espagnol Gonzalve de Cordoue assiégeait Naples, pour reprendre cette ville aux Français. Ceux-ci s’étaient retranchés dans deux forts qui défendaient le golfe de Naples : le château Neuf et le château de l’Œuf. Pendant que l’artillerie du général espagnol battait le premier de ces châteaux, un simple soldat, nommé Pierre de Navarre, qu’on laissa libre d’exécuter son dessein, creusa un passage souterrain, qu’il conduisit jusque sous la muraille du château Neuf. Arrivé à ce point, il y fit transporter une grande quantité de poudre ; puis il enflamma la poudre, à l’aide d’une mèche. Le mur s’ouvrit ; aussitôt les Espagnols entrèrent par la brèche, et le château fut pris.

Le château de l’Œuf tomba, de la même manière, au pouvoir de Gonzalve de Cordoue.

À partir de ce moment, Pierre de Navarre jouit d’une renommée immense. Il fut fait prisonnier à la bataille de Ravenne. L’Empereur ayant refusé de payer sa rançon, François Ier le fit remettre en liberté, et Pierre resta au service de la France. Il eut occasion de se rendre utile à nos armées, mais il ne fut pas aussi heureux dans la réussite de ses nouvelles mines.

Un écrivain de ce temps, Vannoccio Biringuccio, prétend que l’invention de la mine était antérieure à Pierre de Navarre. Il l’attribue à l’ingénieur italien Francesco di Giorgio, qui avait recommandé de recouvrir de poudre et d’autres matières, les poutres des galeries des mines, afin de les préserver de la pourriture. Mais l’idée de l’explosion souterraine des poudres, c’est-à-dire de la véritable mine, appartient, à n’en pas douter, au soldat Pierre de Navarre. L’étonnement profond que causa ce moyen nouveau de destruction à tous les hommes de guerre de ce temps, en est la preuve suffisante.

Quand la destruction des châteaux de Naples par la mine, fut connue en Europe, toutes les armées assiégeantes essayèrent de ce moyen nouveau ; mais le défaut général de connaissances géométriques faisait que la galerie n’arrivait pas toujours au point voulu, et que rarement l’effet de l’explosion répondait à l’attente. En outre, une erreur commune voulait que le fourneau de la mine, au lieu d’être resserré dans le plus petit espace possible, fût placé dans une large chambre ; la mine perdait ainsi une grande partie de sa force.

On apprit plus tard, au lieu de réunir toute la poudre sur un seul point, à faire plusieurs fourneaux, communiquant tous à la même mèche. Quand le fourneau principal faisait explosion, il communiquait le feu aux autres. Cette disposition était très-rationnelle. En effet, lorsqu’on examine l’effet de l’explosion d’une mine, on voit qu’elle a creusé une sorte d’entonnoir, dont la base est à la surface du sol, et le sommet, à l’ancien emplacement du fourneau. On conçoit donc qu’une plus grande quantité de poudre réunie au même point ne produira pas beaucoup plus d’effet, tandis qu’en répartissant la même quantité de poudre entre plusieurs points, l’action sera plus considérable.

La mèche était faite d’un mélange de poudre et d’autres ingrédients, tour à tour préconisés ou tenus secrets, que l’on enfermait dans un cylindre de toile. Sa forme lui fit donner le nom de saucisse.

Parfois aussi on établissait la mine à ciel ouvert. Quelque mineur hardi traversait, de nuit, le fossé, s’attachait à l’angle d’un bastion, et y demeurait plusieurs jours, sans être aperçu. Il creusait un trou dans la maçonnerie, pendant que, du chemin couvert, on lui faisait passer, à l’aide de cordes, les instruments, la poudre et les vivres. Quand le fourneau était chargé de poudre, il replâtrait l’ouverture, laissant seulement dépasser la mèche. Enfin il mettait le feu à la mèche et repassait le fossé. Cette mine agissait à coup sûr : une portion de la maçonnerie et du terre-plein croulaient dans le fossé ; et l’assiégeant venait s’établir sur la brèche ainsi pratiquée pour