Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/39

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« On place la plaque sur cette planche inclinée ; on l’empêche de glisser en l’appuyant contre deux petits crampons qui ne doivent pas dépasser l’épaisseur de la plaque. Il faut avoir soin, dans cette saison froide, de se servir d’eau tiède ; on ne la verse pas sur la plaque, mais au-dessus, afin qu’en y arrivant elle fasse nappe, et enlève les dernières portions d’huile adhérentes au vernis.

« C’est alors que l’empreinte se trouve complètement dégagée, partout d’une grande netteté, si l’opération a été bien faite, et surtout si on a pu disposer d’une chambre noire perfectionnée.

« Application des procédés héliographiques. — Le vernis employé, pouvant s’appliquer indifféremment sur pierre, sur métal et sur verre, sans rien changer à la manipulation, je ne m’arrêterai qu’au mode d’application sur argent plaqué et sur verre, en faisant toutefois remarquer, quant à la gravure sur cuivre, que l’on peut sans inconvénient ajouter à la composition du vernis, une petite quantité de cire dissoute dans l’huile essentielle de lavande.

« Jusqu’ici, l’argent plaqué me paraît être ce qu’il y a de mieux pour la reproduction des images, à cause de sa blancheur et de son éclat. Une chose certaine, c’est qu’après le lavage, pourvu que l’empreinte soit bien sèche, le résultat obtenu est déjà satisfaisant. Il serait pourtant à désirer que l’on pût, en noircissant la planche, se procurer toutes les dégradations de teintes du noir au blanc. Je me suis donc occupé de cet objet en me servant d’abord de sulfure de potasse liquide ; mais il attaque le vernis, quand il est concentré, et si on l’allonge d’eau, il ne fait que rougir le métal. Ce double inconvénient m’a forcé d’y renoncer. La substance que j’emploie maintenant avec le plus d’espoir de succès, est l’iode qui a la propriété de se vaporiser à la température de l’air. Pour noircir la planche par ce procédé, il ne s’agit que de la dresser contre une des parois intérieures d’une boîte ouverte dans le dessus, et placer quelques grains d’iode dans une petite rainure pratiquée le long du côté opposé, dans le fond de la boîte. On la couvre ensuite d’un verre, pour juger de l’effet qui s’opère moins vite, mais bien plus sûrement. On peut alors enlever le vernis avec l’alcool, et il ne reste plus aucune trace de l’empreinte primitive. Comme ce procédé est encore tout nouveau pour moi, je me bornerai à cette simple indication, en attendant que l’expérience m’ait mis à portée de recueillir, là-dessus, des détails plus circonstanciés.

« Deux essais de points de vue sur verre, pris dans la chambre obscure, m’ont offert des résultats qui, bien que défectueux, me semblent devoir être rapportés, parce que ce genre d’application peut se perfectionner plus aisément, et devenir par la suite d’un intérêt tout particulier.

« Dans l’un de ces essais, la lumière ayant agi avec moins d’intensité, a découvert le vernis de manière à rendre les dégradations de teintes beaucoup mieux senties ; de sorte que l’empreinte, vue par transmission, reproduit, jusqu’à un certain point, les effets connus du Diorama.

« Dans l’autre essai, au contraire, où l’action du fluide lumineux a été plus intense, les parties les plus éclairées, n’ayant pas été attaquées par le dissolvant, sont restées transparentes, et la différence des teintes résulte uniquement de l’épaisseur relative des couches plus ou moins opaques du vernis. Si l’empreinte est vue par réflexion dans un miroir, du côté verni, et sous un angle déterminé, elle produit beaucoup d’effet ; tandis que, vue par transmission, elle ne présente qu’une image confuse et incolore ; et ce qu’il y a d’étonnant, c’est qu’elle paraît affecter les couleurs locales de certains objets. En méditant sur ce fait remarquable, j’ai cru pouvoir en tirer des inductions qui permettraient de le rattacher à la théorie de Newton, sur le phénomène des anneaux colorés. Il suffirait pour cela de supposer que tel rayon prismatique, le rayon vert par exemple, en agissant sur la substance vernie et en se combinant avec elle, lui donne le degré de solubilité nécessaire pour que la couche qui en résulte après la double opération du dissolvant et du lavage, réfléchisse la couleur verte. Au reste, c’est à l’observation seule à constater ce qu’il y a de vrai dans cette hypothèse, et la chose me semble assez intéressante par elle-même, pour provoquer de nouvelles recherches, et donner lieu à un examen plus approfondi. »

Daguerre demeura quelques jours à Châlon, chez Nicéphore Niépce, qui répéta devant lui les différentes opérations décrites dans la notice que l’on vient de lire. Quand il fut bien initié au secret de cet art nouveau, il repartit pour Paris, chacun des associés ayant pris l’engagement de poursuivre le perfectionnement de cette méthode.

Nous avons rapporté le traité conclu entre les deux associés et la notice de Nicéphore Niépce sur l’héliographie, parce que nous voulons en dégager nettement un fait historique. Ce fait, c’est que dans l’association entre les deux chercheurs, Daguerre n’apporta rien et Niépce que peu de chose.

C’était peu de chose, en effet, que d’avoir substitué au chlorure et au nitrate d’argent, dont faisaient usage Charles et Wedgwood, le bitume de Judée, substance si peu impressionnable à la lumière, qu’il faut huit