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on a voulu concilier autant que possible ces qualités presque contradictoires. Nous examinerons les principaux de ces systèmes dans les chapitres suivants. Les premiers chapitres seront consacrés aux canons se chargeant par la bouche, les suivants, aux canons se chargeant par la culasse.


CHAPITRE XX

les divers systèmes modernes de canon se chargeant par la bouche. — projectiles rayés. — projectiles forcés. — rayure des pièces. — différents systèmes de canons rayés. — projectiles à sabot. — système cavalli. — proposition du capitaine tamisier. — modifications apportées par le chef d’escadron treuille de beaulieu. — la fusée treuille de beaulieu. — le canon rayé français. — son apparition dans la guerre d’italie ; ses avantages.

Les théories d’Euler sur la déviation des projectiles, et ses erreurs aussi, furent enseignées dans toutes les écoles d’artillerie de la France et de l’étranger, jusqu’à environ l’année 1850. On essayait de régulariser le tir des obus et des bombes en plaçant le centre de gravité de ces projectiles en avant de leur centre de figure ; mais la presque impossibilité de conserver au projectile cette disposition pendant toute l’étendue de sa trajectoire dans l’air, et la difficulté de charger dans une position rigoureuse, interdisaient tout avantage dans la pratique.

Depuis l’année 1800, des chercheurs, des inventeurs, placés en dehors du courant classique, avaient proposé divers systèmes pour régulariser le tir, en donnant, d’après les principes de Robins, un mouvement rotatoire au projectile, suivant le diamètre horizontal situé dans le plan du tir. Mais les commissions officielles les avaient toujours repoussés. Jusqu’en 1850, aucun essai sérieux ne fut donc tenté en France dans cette direction[1].

Ces systèmes, qui constituaient de véritables hérésies pour la science officielle de ce temps, peuvent être classés en trois groupes.

1o On agissait sur le projectile en le creusant de rainures diverses.

2o On rayait la bouche à feu en enveloppant le projectile d’une couche de plomb, qui se forçait dans les rayures ; ou bien en munissant le projectile d’un sabot fusible, qui s’écrasait et se forçait dans la pièce.

3o Enfin on munissait le boulet d’ailettes saillantes, destinées à s’engager dans les rainures de la bouche à feu.

Examinons chacun de ces trois systèmes, dont le dernier a prévalu en France.

Dans le premier système, avons-nous dit, on cherchait à obtenir le mouvement de rotation du projectile dans le plan désiré, au moyen de rainures obliques creusées à la surface du projectile même. L’âme du canon restait lisse. Tantôt les rainures étaient pratiquées à la partie postérieure du projectile, et alors le mouvement rotatoire devait être communiqué par les gaz de la poudre. Tantôt elles étaient placées à l’avant du projectile, et on comptait sur la résistance de l’air pour produire le mouvement efficace. Tantôt enfin les deux procédés étaient appliqués sur le même boulet, et les rayures de la partie antérieure étaient dirigées en sens inverse de celles de la partie postérieure, pour concourir à faire tourner le boulet dans un sens déterminé.

On proposa aussi des nervures en relief à la place des rainures.

Aucune de ces méthodes n’avait l’efficacité voulue ; le mouvement de rotation du boulet ainsi provoqué, n’était pas assez

  1. Le docteur Leroy (d’Étiolles) proposa à notre comité d’artillerie, en 1832, un système complet de canons rayés se chargeant par la culasse, avec projectiles à ailettes, et revêtus d’une couche de plomb, c’est-à-dire à peu près le système actuel. Il faut lire dans la brochure publiée en 1860 par Leroy (d’Étiolles) la manière dont ses propositions furent accueillies par le comité d’artillerie, et le rapport dédaigneux qui fut rédigé à l’occasion des travaux d’un inventeur qui avait le tort de devancer les idées de son temps en matière d’artillerie (Note sur les canons rayés en hélice par Leroy (d’Étiolles}, docteur en médecine. Paris, in-8o, 1860.