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les plus élastiques ; d’où il résulterait que la couche extérieure aurait beaucoup plus d’élasticité que l’âme ; ce qui est l’opposé de la bonne condition de résistance des bouches à feu.

Le major Rodman a renversé les conditions du refroidissement ; il refroidit l’âme en la faisant traverser d’abord par un courant d’air frais, puis par un courant d’eau constamment et abondamment renouvelée. Pendant ce temps il réchauffe la couche extérieure de la pièce, en faisant brûler lentement un combustible de peu de valeur, qui l’enveloppe en entier. L’âme, se refroidissant la première, prend tout de suite les dimensions qu’elle doit conserver ; puis la masse de la pièce se contracte, et presse sur l’âme avec une tension qui est ainsi utilement dirigée.

Les résultats pratiques ont été d’accord avec la théorie. Si l’on n’est pas toujours parvenu, par ce procédé, à construire des canons d’une résistance égale, cela tient aux perturbations diverses qui doivent nécessairement se produire pendant le refroidissement[1].

Pour régulariser cette opération, M. Normann Wiard a proposé de couler le canon suivant une forme qui nous paraît bizarre au premier chef. Le renfort qui entoure l’âme de la pièce, est composé d’une série de côtes à double courbure. Au moment de la coulée, pour refroidir le cylindre intérieur on fait passer le courant d’eau entre ces côtes et dans l’âme de la pièce. Le renfort, qui est plus épais, se refroidit séparément et plus lentement ; il se contracte en se rétrécissant, de manière à soutenir l’âme du canon avec la tension initiale voulue.

Cette méthode a fourni des pièces à très-bas prix et d’une grande résistance, et des commandes importantes ont été faites à l’inventeur. Cependant ces essais ne paraissent pas avoir eu de suite. M. Holley, après avoir décrit le canon Wiard, ajoute dans une note : « Depuis que cet article a été écrit, le premier canon de M. Wiard ayant été coulé sur des noyaux qu’il était difficile ou impossible de retirer, il n’a pas été foré ou éprouvé. Son second canon a éclaté à l’épreuve[2]. »


CHAPITRE XXIV

les canons se chargeant par la culasse. — systèmes montigny, cavalli, wahrendorff. — système de fermeture prussien. — systèmes clay, alger. — les canons armstrong. — big-will. — le forcement du projectile. — système whitworth, blakely, krupp. — canon de la marine française.

Le premier canon moderne se chargeant par la culasse, fut construit en 1853, par M. Montigny père, armurier à Bruxelles. Le canon rayé n’était pas, à proprement parler, une invention, car nous avons vu que les veuglaires du xve siècle portaient une chambre mobile, et se chargeaient aussi par la culasse. C’était donc plutôt un essai audacieux, que le succès justifia dans une certaine mesure.

En 1836, M. Montigny soumit ses canons à l’examen du gouvernement russe.

Dans une expérience faite à Pétersbourg, le canon Montigny tira jusqu’à 1 800 coups, sans présenter de dégradations notables. Le général Scimarakoff, voulant connaître si la pièce pouvait tirer un grand nombre de fois, sans que l’encrassement empêchât le tir, M. Montigny tira 262 coups avec son canon dans la même séance, sans qu’il fût nécessaire de l’écouvillonner une seule fois.

Malgré l’intérêt de ce nouveau système de canons, quelques pièces seulement furent commandées à l’inventeur, par le gouvernement de Russie. Enfin, les commissions militaires russes suscitèrent de tels embarras à M. Montigny, que celui-ci aban-

  1. Holley, Traité d’artillerie et cuirasses, t. II, p. 524.
  2. Holley, Traité d’artillerie et cuirasses, t. II, p. 540.