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CHAPITRE III

construction des vaisseaux cuirassés du type solferino et magenta. — la première escadre cuirassée.

Après l’application de la cuirasse aux frégates, il restait à l’appliquer à des bâtiments d’un plus grand tonnage, se rapprochant de ceux des anciens vaisseaux de guerre.

Deux bâtiments cuirassés d’un type fort distinct du type Gloire, mais dus également à M. Dupuy de Lôme, furent mis en chantier, en juillet 1859 : l’un, le Magenta, à Brest, l’autre, le Solferino, à Lorient.

Ces deux bâtiments sont en bois ; mais, au lieu de présenter une proue en forme de lame de hache verticale, comme la Gloire et la Couronne, ils ont, à l’avant, sous l’eau, une saillie très-prononcée, munie d’un éperon fort et pointu, destiné à entamer, à ouvrir le navire ennemi contre lequel ils se précipiteraient à toute vapeur, et avec l’énorme impulsion résultant de leur vitesse et de leur masse.

Le Magenta et le Solferino méritent plutôt le nom de vaisseaux que celui de frégates, car, à leur premier armement, ils furent pourvus de deux batteries couvertes, portant une artillerie de 50 canons, et d’une machine dont la puissance est de 900 chevaux. Ils sont complétement cuirassés à la flottaison et par le travers du faux pont ; mais l’avant et l’arrière, réservés au logement des officiers, à l’hôpital et à la cuisine, sont séparés de la partie centrale, occupée par l’artillerie, par des traverses cuirassées, et ils forment des compartiments séparés. Ces parties doivent être évacuées en cas de combat ; aussi ne sont-elles pas cuirassées.

Voici les dimensions du Solferino, que représente la figure 395[1] :

Longueur à la flottaison 
86m,00
Largeur 
17m,20
Tirant d’eau en charge au milieu 
7m,90
Hauteur au-dessus de l’eau en pleine charge 
du seuillet de la batterie basse 
1m,80
du seuillet de la seconde batterie 
4m,16
Charbon pour la machine 
700 tonnes.
Équipage 
680 hommes.
Déplacement du bâtiment 
6 800 tonneaux.
Force nominale de la machine 
900 chevaux.
   —    effective 
3600 »
Vitesse 
14 nœuds.

L’armement primitif se composait, avons-nous dit, de 50 pièces de canon de 30, rayées, pour les batteries, et en outre de 2 obusiers de 80, placés sur le pont supérieur.

Le Solferino a donc le caractère d’une puissance militaire bien plus grande que la Gloire. D’une part, sa batterie supérieure domine le pont du gaillard des frégates ordinaires, et peut les entamer dans leur partie la moins protégée ; d’autre part, grâce à l’éperon, il est apte à attaquer son ennemi par le choc, mode de combat des antiques galères, auquel ramène, comme à une conséquence fatale, l’impuissance dont les cuirasses invulnérables frappent l’artillerie. On a calculé que le Solferino rencontrant, avec la vitesse de 13 nœuds, un bâtiment immobile, produirait sur celui-ci un effet équivalant au choc simultané de 120 boulets de 30 ; et en supposant que, par suite des manœuvres du bâtiment attaqué, la vitesse relative du vaisseau agresseur fût réduite à 10 ou à 8 nœuds, il déterminerait des chocs revenant à ceux de 70 ou 45 boulets de 30. Bien après la mise en chantier du Solferino, les incidents de la guerre d’Amérique, ceux de la guerre d’Italie en 1866, ont montré les terribles effets du choc d’une masse telle que celle d’un navire cuirassé. C’est ce que l’on vit (8 mars 1862) le jour où la frégate confédérée le Merrimac frappa, avec 4 ou 5 nœuds de vitesse, le Cumberland, navire fédéral ; et en 1866, au combat de Lissa, dans la destruction du Re d’Italia par le Ferdinand Max.

Mais n’anticipons pas, et avant de parler de

  1. Dans le premier volume de cet ouvrage (page 249, fig. 118) nous avons déjà représenté le Solferino. La présente figure a pour objet de mettre en évidence le cuirassement métallique.