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de la cuirasse de fer, ferait craindre le développement d’actions galvaniques qui seraient funestes à la conservation de la cuirasse, en même temps qu’elles entraîneraient sur le doublage, la précipitation de dépôts marins nuisibles à la vitesse. Mais on a réussi à écarter cette difficulté en interposant une couche isolante entre la cuirasse et le doublage en cuivre qui la recouvre. Il est vrai que le développement des phénomènes galvaniques est toujours un phénomène à redouter, si l’enveloppe isolante laisse quelque gerçure ou quelque rupture dans sa continuité.

Il est bon de remarquer, d’autre part, que si les coques en fer des navires offrent une grande solidité pour un poids donné de matériaux mis en œuvre, cela tient surtout aux liaisons intimes que le rivetage et les procédés d’assemblage spéciaux au fer, établissent entre les diverses parties de la construction. Cet assemblage général rend les parties solidaires les unes des autres, et concourt très-heureusement à résister aux efforts de dislocation que le navire est appelé à subir sur les flots.

Ce qu’il importe également de prévoir, c’est la résistance d’un navire cuirassé à l’action du choc du navire ennemi, qui, dans plus d’une circonstance, est disposé à se jeter contre lui, pour l’écraser ou l’éventrer du poids de sa masse multiplié par le carré de sa vitesse. Contre ce choc épouvantable, les coques de fer sont bien moins rassurantes que celles en bois. En effet, la résistance locale des coques de fer dépend seulement de l’épaisseur que la tôle des murailles présente au point frappé. Les constructions en bois offrent, au choc, une résistance bien plus sérieuse. En prévision de l’attaque par l’éperon, les coques en bois, grâce à de fortes membrures, qui sont contiguës à de larges revêtements arc-boutés, forment des masses solides bien autrement robustes que la simple carcasse du navire de fer.

Après ces préliminaires généraux sur la différence caractéristique entre les flottes française et anglaise, nous passons à l’examen historique et descriptif de la flotte cuirassée anglaise.

On a déjà vu comment, en Angleterre, le projet des navires blindés reçut sa première réalisation effective. Nous avons dit qu’en 1854, sur la proposition du gouvernement français, et sur le plan qui lui avait été communiqué par notre département de la marine, l’amirauté anglaise fit construire cinq batteries flottantes semblables aux nôtres, et qui devaient avoir pour mission de bombarder le port russe de Cronstadt.

Après que le projet du siége de Cronstadt eut été abandonné, c’est-à-dire en 1855, deux des batteries flottantes anglaises furent désignées pour rejoindre, dans la mer Noire, l’escadre de l’amiral Lyons. Elles ne l’atteignirent devant Kamiesch que le 25 octobre, huit jours après le succès de nos batteries flottantes devant Kinburn. La navigation de ces batteries flottantes pour se rendre dans ces eaux, avait été fort pénible, bien que l’on eût pris le parti de les séparer de leur artillerie. Cet insuccès fit douter, en Angleterre, de l’avenir de la marine cuirassée, même après que la frégate la Gloire eut été mise en chantier en France. On s’accordait donc, en Angleterre, à prédire le plus complet échec à la tentative de notre marine. D’ailleurs, les fameux canons Armstrong, alors très en faveur chez nos voisins, devaient être irrésistibles et percer à jour toute cuirasse de fer !

Ces idées, que caressait l’amour-propre britannique, furent ébranlées le jour où l’on eut l’idée, très-simple, d’essayer un canon Armstrong, du plus fort calibre, contre des plaques de fer de 4 pouces et demi d’épaisseur (0m, 115) qui, appliquées sur une muraille en bois, figuraient un flanc de navire. Or, le capitaine Halsted constata la parfaite résistance de ce blindage, qui tint parfaitement sous les coups de l’obus Armstrong, et même sous ceux