Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/558

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d’août de l’année suivante. On procéda alors à ses essais. Il atteignit, par un temps calme, une très-belle vitesse, 14n,3 ; mais, dans un voyage qu’il fit, pendant l’hiver de 1861, à Lisbonne, on fut bientôt désenchanté. Par une mer un peu grosse, il fatiguait, perdait de sa vitesse, gouvernait mal, avec difficulté et lenteur. De plus, l’ampleur de son roulis rendait le tir de ses canons incertain et parfois impossible, en dépit de la grande hauteur de sa batterie (2m,70), dont on tirait vanité.

Ajoutons que le Warrior a coûté 9 millions, le double de la Gloire, qui est presque moitié plus petite, et qui jouit, grâce à ses bonnes proportions, d’une facilité d’évolution bien supérieure.

L’amiral anglais Sartorius, établissant, dans une brochure publiée en 1861, un parallèle entre la Gloire et le Warrior, s’exprimait comme il suit :

« Il est impossible au Warrior d’aborder la Gloire, tandis que celle-ci peut prendre les positions les plus avantageuses pour désemparer son ennemi, La Gloire a un gréement insignifiant, qui, une heure avant le combat, peut être mis en bas, tandis que le Warrior, mâté comme un vaisseau de 90, aurait, dès les premiers coups, son hélice engagée par des débris de son gréement. La Gloire, par quelque côté qu’on l’attaque, est défendue et armée ; le Warrior ne l’est pas, sa proue et sa poupe n’étant pas cuirassées. Avec vent debout, la résistance que rencontre la mâture du Warrior réduit considérablement sa vitesse, tandis que la Gloire, parfaitement dégagée, conserve la sienne. L’allégement des extrémités du Warrior, en vue de le rendre plus navigable, fait porter sur la partie centrale tout le poids de l’armure, et, tandis que, dans un mauvais temps, celle-ci reste inerte, les extrémités se tordent sous l’action de la lame, de manière à amener une dérivaison générale. Le moindre tirant d’eau de la Gloire lui permet d’agir de plus près contre des ouvrages à terre, et de protéger plus efficacement une côte contre des bâtiments ennemis. Il est vrai que le Warrior porte ses canons plus haut et peut combattre par conséquent en tout temps ; mais quand le temps sera assez mauvais pour empêcher la Gloire de combattre, elle mettra le cap debout à la mer et laissera bientôt le Warrior derrière elle. »

L’expérience et la pratique de la navigation ont confirmé ces prévisions et justifié ces critiques.

L’armement primitif du Warrior se composait de 40 canons, savoir : dans la batterie, 34 canons de 68, dont 15 de chaque bord, abrités par la cuirasse ; plus, 2 à l’avant et 2 à l’arrière ; sur le pont des gaillards, 2 canons de 68 et 4 canons Armstrong de 40.

Plus tard, les canons Armstrong de 40 furent remplacés par ceux du calibre de 70, et une partie des canons de 68 cédèrent la place à des canons Armstrong de 100, d’une plus grande portée.

Pour terminer la comparaison entre les deux frégates, française et anglaise, la Gloire et le Warrior, nous parlerons de la disposition de leur hélice et de leur mâture.

Quelques-uns de nos premiers vaisseaux armés d’hélices, tels que le Charlemagne et l’Ulm, furent pourvus d’un puits qui permettait de visiter l’hélice, de la ramener à l’intérieur, si l’on voulait seulement naviguer à la voile ; de la retirer et de la changer en cas d’avarie. Mais les inconvénients que présentait cette solution de continuité dans la membrure du navire, n’étaient pas compensés par les avantages d’une pareille disposition. Il fallait, dans nos frégates, que la solidité ne pût être compromise par aucun vice de forme ; aussi la marine française a-t-elle renoncé à ces puits. L’amirauté anglaise a cru pouvoir en pratiquer un dans le Warrior.

Les lords de l’amirauté n’ont pas encore su prendre le parti de renoncer à la suprématie de la voile, sous laquelle s’est accrue si prodigieusement la puissance maritime de la Grande-Bretagne. Aussi les constructeurs du Warrior ont-ils conservé à ce bâtiment la mâture d’un ancien vaisseau de 90 canons. Dans le cas où la Gloire se présenterait au combat, elle amènerait tout d’abord sa légère mâture et son gréement. Il n’en pourrait être de même du Warrior, qui serait toujours embarrassé de son énorme voilure et de ses mâts fixes.