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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/631

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par lesquelles l’eau arrivera vers les drains. On achève de remplir la tranchée par couches de terre de 0m,20 à 0m,30 d’épaisseur, qu’on tasse comme précédemment. Enfin on jette en dernier lieu la terre végétale qu’on a dû mettre de côté à cet effet, lors de l’ouverture de la tranchée.

Charrues de drainage. — De nos jours, où la force mécanique se substitue peu à peu à l’emploi de la force vivante, il était impossible qu’on ne songeât pas à faire jouer un rôle aux machines dans l’exécution du drainage. Ouvrir la tranchée, placer les tuyaux et combler la tranchée aussitôt, tel fut le problème compliqué que l’art du mécanicien s’est proposé de résoudre. Ce problème, disons-le, n’a pas été complétement résolu ; mais il a été poursuivi avec tant de persévérance et de tels efforts d’invention, que nous ne saurions résister au désir de donner une idée des appareils mécaniques qui ont été proposés ou essayés dans ce but.

MM. Fowler et Fry avaient envoyé à la première Exposition universelle de Londres, en 1851, une machine destinée à creuser mécaniquement les tranchées et à poser les tuyaux. Cette machine se composait de deux pièces distinctes, une charrue et un cabestan, dont la corde était mue par un manége. La charrue était formée de deux armatures en fer, reliées par des traverses et des boulons, ayant un certain écartement au coutre et à l’arrière, mais se rejoignant à l’avant, et emmanchant une poulie destinée à recevoir la chaîne du cabestan.

Le soc de la charrue pénétrait dans le sous-sol, et creusait le passage à la tranchée. Voici comment on opérait. On plaçait le cabestan à 130 mètres environ de la charrue, et on l’amarrait fortement. La corde qui reliait le cabestan à la charrue, était en chanvre recouvert de fil de laiton. On ouvrait ainsi une tranchée, dont la profondeur était en raison de l’enfoncement voulu du drain, et dont la longueur était égale à cette profondeur. On engageait le soc de la charrue au fond, en attachant ce soc à une corde, revêtue de tuyaux, qui s’y trouvaient enfilés comme des perles sur un ruban. Ces dispositions prises, à un moment donné, on mettait les chevaux en mouvement. La charrue s’avançait, et le soc pénétrait dans le sous-sol, traînant après lui les tuyaux, juxtaposés et enfilés dans la corde, au nombre de 30 ou de 40. Quand ces 30 ou 40 tuyaux étaient établis, on s’arrêtait, pour ajouter une nouvelle chaîne de 40 tuyaux, et ainsi de suite jusqu’au moment où la charrue venait toucher au cabestan. Alors on ouvrait une seconde tranchée semblable à la première. Là on s’arrêtait. À l’aide des engrenages on dégageait le soc et l’on retirait les cordes. Pendant toute la pose, le chef-ouvrier, comme un pilote près de son gouvernail, dirigeait l’engrenage, et maintenait le niveau et les pentes voulues, en donnant l’impulsion au soc dans les points où le terrain présentait quelque ondulation.

Cette première application de la mécanique à l’exécution des travaux de drainage, frappa beaucoup les hommes de l’art. Un agronome, qui avait vu fonctionner cet appareil, M. de Montreuil, écrivait à ce propos, en 1851 :

« N’est-il pas féerique de suivre cette charrue silencieuse dans le travail souterrain qu’elle opère, de comprendre par l’esprit la précision mathématique de son exécution ? Nous étions dans une prairie, environnés de troupeaux ; eh bien ! quand nous avions passé sur un point que les herbes foulées accusaient à peine, ces troupeaux paissaient paisiblement jusque sur les lèvres refermées de la plaie que nous avions faite ; rien n’avait disparu dans ce pâturage. Six hommes, deux chevaux et une demi-heure, montre en main, avaient suffi pour descendre à 1m,03 sous terre 300 tuyaux, qui sans la puissance mécanique, eussent demandé une semaine de travail et bouleversé le sol[1]. »

Cependant cet appareil mécanique laissait beaucoup à désirer. Les tuyaux étaient, sans doute, placés en ligne droite et bien

  1. Journal d’agriculture pratique, 1851, et Barral, Drainage des terres arables, t. II, p. 347.