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degré de salure s’est élevé, les poissons, surpris et charmés par ces courants d’eau fraîche et nouvelle, se mettent aussitôt à remonter ces courants, qui les guident vers l’Adriatique. Mais toutes les issues des bassins sont garnies d’un appareil de pêche aussi simple qu’ingénieux, établi à l’aide de claies en roseau, soutenues de distance en distance par des piquets, que l’on nomme le labyrinthe et qui ressemble assez à la madrague qui sert, en Provence, à la pêche du Thon. Les poissons s’engagent successivement, sans jamais pouvoir retourner en arrière, dans une série de chambres ou compartiments. Ils s’accumulent quelquefois dans ces chambres en si grand nombre, que, souvent, ils forment une masse qui s’élève au-dessus de l’eau.

La figure 536, empruntée au Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie par M. Coste donne la vue d’un de ces labyrinthes. Le canal Pallotta, représenté sur cette figure, par la lettre a, est un des canaux d’eau fraîche qui arrivent de l’Adriatique, et qui provoquent, pour ainsi dire, les poissons à remonter vers la mer. Les poissons qui sont en liberté dans la lagune e, s’engagent dans le canal d’eau fraîche a, et arrivent devant la tranchée b, qui communique avec la lagune par le même canal. En ce point b, est un angle aigu, formé par la réunion de claies flexibles, plantées en forme de palissade au fond du lac. Elles sont mises en contact, mais ne sont pas adhérentes l’une à l’autre. Le poisson peut, par un léger effort, les écarter, et passer dans leur intervalle. Mais dès qu’il a franchi cet angle aigu, les deux claies se referment, à la manière d’une nasse d’osier, et l’empêchent de revenir dans le canal, et par conséquent dans la lagune.

Une fois entrés dans le labyrinthe, les poissons ne peuvent plus en sortir : ils trouvent successivement devant eux, en parcourant les méandres du labyrinthe, quatre ou cinq chambres, qui se terminent en forme de cœur (g, l, l, l) et qui sont composées de palissades flexibles. Dans leurs efforts ils écartent les pointes de l’angle aigu qui provient de la réunion des parois de ces chambres. Un léger effort leur suffit pour s’introduire dans la chambre ; mais quand ils en ont franchi l’enceinte, ils y demeurent prisonniers, et le pêcheur n’a plus qu’à s’en emparer. Comme les poissons varient de taille, de force et d’espèce, ils se parquent pour ainsi dire d’eux-mêmes, dans les différentes chambres, par suite de la difficulté qu’ils éprouvent à entr’ouvrir telle ou telle chambre, de sorte qu’on ne trouve qu’une seule espèce de poisson dans chaque chambre. L’anguille glisse à travers toutes les cloisons, et ne se trouve arrêtée que dans le dernier compartiment.

Pour recueillir cette abondante moisson, les pêcheurs de Comacchio attendent que les chambres soient bien remplies. Alors ils enlèvent les poissons au moyen d’une bourse emmanchée, qui sert à les transborder dans les borgazzi.

Fig. 535. — Borgazzo.

On appelle borgazzo (fig. 535) de grandes corbeilles d’osier, à mailles serrées, en forme de globe, un peu comprimées dans le sens de la hauteur, s’ouvrant par une bouche circulaire à petit diamètre, à laquelle s’adapte un couvercle qu’on assure par un cadenas. On introduit dans cette ouverture un entonnoir ou petit sac (saccone) en forte toile, de quatre pieds de long, par lequel on verse les poissons ; puis on ferme les couvercles, et