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série de merveilles de l’art. Grâce à l’application des procédés galvanoplastiques, on a transformé en planches propres à la gravure, les épreuves photographiques, et l’on a pu multiplier à volonté ces types, en tirant les épreuves sur la pierre lithographique, ou sur la planche d’acier, comme une gravure ordinaire. Ainsi a été atteint le comble et la dernière limite de cet art.

Tout est surprenant, tout est merveilleux dans les mille inventions nouvelles qui se rattachent aux perfectionnements de la photographie. La lumière est domptée, le fluide électrique est un serviteur obéissant ; de la lumière on fait un pinceau, et de l’électricité un burin. Partout la main de l’homme est bannie. À la main tremblante de l’artiste, au regard incertain, à l’instrument rebelle, on substitue les forces irrésistibles des agents naturels. C’est ainsi que les puissances aveugles de la nature tendent à remplacer la main et presque l’intelligence de l’homme.

Rien ne peut donc mieux caractériser la haute portée de nos sciences physiques, que cette rapide série de créations et de perfectionnements, qui, en quelques années, ont conduit la photographie à des résultats qu’il était à peine permis de soupçonner au début. Cette découverte, la plus curieuse de notre siècle, est encore celle qui fait le mieux apprécier le pouvoir et les ressources de la science contemporaine.

Tel est aussi le double motif qui nous porte à présenter avec une certaine étendue les faits qui concernent la photographie. Rappeler les circonstances qui ont présidé à sa découverte, faire connaître les perfectionnements divers qu’elle a reçus depuis son origine, indiquer son état présent, signaler enfin les applications principales qu’elle a déjà reçues, tel est l’objet que nous avons à remplir pour cette notice.


CHAPITRE PREMIER

origine de la photographie. — la lune cornée des alchimistes. — fabricius observe le premier, au seizième siècle, l’action de la lumière sur le chlorure d’argent. — le professeur charles. — schèele. — wedgwood. — humphry davy. — james watt.

La lune cornée, ou l’argent corné, en d’autres termes, le chlorure d’argent, fut découvert par les alchimistes, à l’époque de la Renaissance. Ce composé a la propriété essentielle, de se colorer en bleu foncé, quand il reste exposé au soleil, ou à la lumière diffuse. Le premier opérateur qui eut entre les mains, dans un laboratoire, l’argent corné, dut constater aussitôt la modification qu’il subit par l’action des rayons lumineux. D’après Arago, ce serait un alchimiste, nommé Fabricius, qui aurait le premier, en 1566, obtenu l’argent corné, en versant du sel marin dans une dissolution d’un sel d’argent, et qui aurait remarqué la coloration de ce produit, par l’action de la lumière. C’est donc dans le laboratoire d’un alchimiste qu’il faut chercher l’origine historique du principe général de la photographie.

En 1777, le chimiste suédois Schèele reconnut que l’argent corné est plus sensible aux rayons bleus et violets du spectre solaire, qu’aux rayons rouges.

Le professeur Charles, ce même physicien à qui l’aérostation naissante dut, comme nous l’avons raconté, son organisation régulière et tous ses moyens d’action, eut aussi le mérite de faire, le premier, usage de la chambre obscure inventée, au seizième siècle, par J.-B. Porta, pour exécuter des photographies rudimentaires.

Dans les cours publics qu’il donnait, à Paris, vers 1780, Charles montrait aux assistants le curieux spectacle que voici. Il formait une image sur l’écran de la chambre obscure, recouvert d’avance d’une feuille de papier enduite de chlorure d’argent, et les parties lumineuses de l’image s’imprimaient en noir