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CHAPITRE IX

reproduction des couleurs par la photographie. — expériences de m. edmond becquerel. — recherches de m. niépce de saint-victor, essai de fixation des couleurs naturelles sur le papier de m. niépce. — un puff américain. — m. hill et sa prétendue découverte de la reproduction photogénique des couleurs.

Nous venons de présenter l’histoire de la photographie, et d’exposer ses perfectionnements successifs. Est-il nécessaire d’ajouter que, pour clore la série de ces créations remarquables, un dernier pas reste à franchir ? Tous nos lecteurs l’ont dit avant nous, car c’est là le problème que l’impatience des gens du monde ne cesse de poser à la sagacité des savants : il reste à reproduire les couleurs. Aux remarquables produits de l’appareil de Daguerre, à ces images d’une si admirable délicatesse, d’une fidélité si parfaite, il faut ajouter le charme du coloris. Il faut que le ciel, les eaux, toute la nature inanimée ou vivante, puissent s’imprimer sous nos yeux en conservant la richesse, la variété, l’harmonie de leurs teintes. L’action de la lumière nous donne aujourd’hui des dessins, il faut que ces dessins deviennent des tableaux.

Mais, avant tout, le fait est-il réalisable, et la reproduction spontanée des couleurs ne dépasse-t-elle point la limite des moyens dont la science dispose de nos jours ?

Si l’on eût adressé cette question à un savant initié aux lois générales de l’optique, il n’eût guère hésité à condamner une telle espérance. « Rien n’autorise, aurait-il dit, rien ne justifie l’espoir de fixer un jour les images de la chambre obscure en conservant leurs teintes naturelles ; aucune des notions que nous avons acquises sur les propriétés et les aptitudes de l’agent lumineux, n’a encore dévoilé de phénomène de cet ordre. On comprend, au point de vue théorique, l’invention de Daguerre et le parti qu’on en a tiré. Il a suffi, pour en venir là, de trouver une substance qui, au contact des rayons lumineux, passât du blanc au noir ou du noir au blanc. Il n’y avait dans cette action rien de très-surprenant en fin de compte, rien qui ne fût en harmonie avec les faits que l’optique nous enseigne ; mais de là à l’impression spontanée des couleurs il y a véritablement tout un monde de difficultés insurmontables. Remarquez, en effet, qu’il s’agit de trouver une substance, une même substance qui, sous la faible action chimique des rayons lumineux, puisse être influencée de telle manière que chaque rayon inégalement coloré provoque en elle une modification chimique particulière, et de plus que cette modification ait pour résultat de donner autant de composés nouveaux reproduisant intégralement la couleur propre au rayon lumineux qui les a frappés. Il y a dans ces deux faits, et surtout dans l’accord de ces deux faits, des conditions tellement en dehors des phénomènes habituels de l’optique, que l’on peut affirmer sans crainte qu’un tel problème est au-dessus de toutes les ressources de l’art. »

Ainsi eût parlé notre physicien, et certes il eût trouvé peu de contradicteurs. Cependant quelques observations intéressantes, et que nous allons rapporter, sont venues faire concevoir à cet égard quelques légères espérances.

En 1848, M. Edmond Becquerel a réussi à imprimer sur une plaque d’argent, l’image du spectre solaire. On sait ce que les physiciens entendent par spectre solaire. La lumière blanche, la lumière du soleil, résulte de la réunion d’un certain nombre de rayons diversement colorés, dont l’impression simultanée sur notre œil, produit la sensation du blanc. Si l’on dirige, en effet, un rayon de soleil sur un verre transparent taillé en prisme, les différents rayons composant ce faisceau de lumière, sont inégalement réfractés dans l’intérieur du verre ; au sortir du prisme, ils se séparent les uns des autres, ils divergent en éventail, et viennent former,