Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les succès obtenus à l’École des ponts et chaussées, par Philippe Lebon, n’étaient que le prélude de plus sérieuses conquêtes de son esprit investigateur.

L’histoire de l’industrie n’a conservé jusqu’ici le nom de Lebon que pour la découverte de l’éclairage par le gaz ; mais il est maintenant établi que Philippe Lebon avait travaillé avec grand succès au perfectionnement de la machine à vapeur, alors à ses débuts. Nous n’entrerons pas dans les détails de ses travaux sur ce point.

L’ensemble des projets de Philippe Lebon sur la machine à vapeur, lui mérita le prix du concours, qui avait été institué à cette époque, entre les élèves sortis de l’École des ponts et chaussées. Bientôt après, une récompense nationale de 2 000 livres lui fut accordée, sur la proposition de MM. Borda, Périer, Hassenfratz et Detrouville, comme témoignage de la reconnaissance publique pour ses travaux sur la machine à vapeur. L’acte qui décerne cette récompense au jeune ingénieur des ponts et chaussées « pour continuer des expériences qu’il a commencées sur l’amélioration des machines à feu, » est daté du 18 avril 1792.

C’est vers 1791 que Philippe Lebon porta son attention sur la possibilité d’extraire, du bois soumis à la calcination en vase clos, un gaz susceptible de servir tout à la fois à l’éclairage et au chauffage. C’est chez son père, à Brachay, que cette pensée lui était venue, dans des circonstances qui méritent d’être rapportées.

Pendant son séjour à la campagne, Philippe Lebon étudiait les propriétés de la fumée. Un jour, il remplit une fiole de verre d’une certaine quantité de sciure de bois, et plaça sa fiole sur des charbons. Il vit alors que de la fumée se dégageait par l’orifice de ce vase de verre : cette fumée s’enflammait à l’approche d’une bougie allumée. Ce phénomène n’était peut-être pas ignoré des chimistes, mais personne ne l’avait encore sérieusement étudié, surtout dans les applications que l’on pouvait en attendre.

Le gaz qui se dégage du bois calciné, est accompagné de vapeurs noires ; son odeur empyreumatique annonce la présence de substances huileuses et goudronneuses. Pour que ce gaz pût servir à l’éclairage, il fallait donc le débarrasser de tous ces produits étrangers. Pour y parvenir, Lebon fit passer le tuyau de dégagement du gaz dans un vase rempli d’eau. L’eau condensait les vapeurs acides et les matières bitumineuses, tandis que le gaz se dégageait plus pur.

Une telle opération nous paraît aujourd’hui fort simple ; mais à l’époque dont nous parlons, il fallait le coup d’œil d’un esprit supérieur pour créer de pareils procédés. On ne saurait assez admirer la force de tête et la justesse d’appréciation dont Lebon fit preuve, en comprenant, dès l’origine même de ses expériences sur le gaz extrait du bois, toute l’extension que devait prendre un jour cette opération exécutée en grand. Philippe Lebon vit parfaitement et du premier coup la possibilité d’obtenir du gaz éclairant, en se servant de tous les corps combustibles. Il comprit que ce gaz pourrait servir à la fois d’agent de chauffage et de moyen d’éclairage. Il aperçut, en même temps, les avantages que l’on trouverait, au point de vue industriel, à tirer parti du goudron et de l’acide pyroligneux, qui sont les autres produits de la distillation du bois.

C’était toute une révolution dans l’industrie de l’éclairage. Lebon le sentait parfaitement ; aussi son esprit s’exaltait-il, à ce propos, jusqu’à l’enthousiasme. On se rappelle encore, dans son village natal, le délire de sa joie : « Mes amis, disait-il aux paysans, je vous chaufferai, je vous éclairerai de Paris à Brachay. » Et les bonnes gens haussaient les épaules, en disant : « Il est fou. »

Lebon continua, à la campagne, ses expériences, qui ne tardèrent pas à prendre une véritable importance. Dans la cour de la