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mon patrimoine que j’ai subvenu aux frais de tant d’essais, d’expériences et souvent d’écoles ; aujourd’hui ce sont des résultats que j’offre au public. J’ouvrirai incessamment une souscription pour l’acquisition des thermolampes ; mais, quoiqu’elle soit mon but essentiel, elle n’aura lieu que du moment où l’opinion publique l’aura d’elle-même provoquée. En conséquence, ma maison sera ouverte une fois par décade. Il serait certainement impossible de présenter, dans une séance, tous les effets que j’ai obtenus dans le courant de plusieurs années ; j’aurai soin seulement que, dans chacune d’elles, on puisse apprécier les effets de chaleur, de lumière, d’économie, et les beautés dont ce genre d’illumination est susceptible pour décorer l’intérieur des appartements ou pour embellir les jardins. De puissants motifs ne me permettent point de faire gratuitement les expériences ; ceux que cette découverte peut intéresser pourraient-ils exiger que j’ajoutasse à tant d’avances déjà faites, une dépense considérable, si elle portait sur moi seul, et qui, subdivisée, devient presque insensible ? D’ailleurs, me sauraient-ils gré de cette épargne mesquine, qui les exposerait aux inconvénients d’une foule moins attentive aux avantages solides et économiques que curieuse des effets que peut offrir une illumination extraordinaire ? Le prix des billets sera de 3 francs. On aura l’attention d’en proportionner le nombre à l’étendue du local. »

Le public fut admis pendant plusieurs mois dans l’hôtel Seignelay. On payait 3 fr. le billet d’entrée, et 9 francs pour un abonnement. On se porta en foule chez l’inventeur, pour être témoin de ce spectacle nouveau, et l’on put se convaincre de la réalité des faits curieux qu’il avait avancés.

Il était pourtant impossible, dès le début, de parer à tous les inconvénients que devait présenter un tel système. Le gaz était enflammé tel qu’il sortait des appareils distillatoires, et sans avoir subi de purification ; aussi répandait-il une odeur fétide. Le public qui, surtout en France, approuve ou condamne sur ses impressions premières, décida que ce mode d’éclairage était impraticable, et qu’il ne fallait le considérer que comme une bagatelle brillante, comme un essai ingénieux, mais sans portée. Il ne restait cependant que bien peu à faire pour perfectionner l’invention de l’ingénieur français. En soumettant le gaz à des lavages avec une liqueur alcaline, dans un appareil qu’il était facile d’imaginer, on l’aurait débarrassé de toute odeur désagréable, et l’on aurait fait ainsi disparaître le défaut qui avait excité tant de critiques.

Le 30 messidor an XI, après les illuminations de l’hôtel Seignelay, l’Athénée des arts invita Lebon à sa séance publique « pour être présent aux témoignages d’estime que l’on voulait rendre à ses talents. » Le Ministre de la marine, Forfait, nomma ensuite une commission pour examiner ses appareils. Le général de Saint-Aouën, rapporteur, déclara dans ce rapport que « les résultats avantageux qu’ont donnés les expériences du citoyen Lebon ont comblé et même surpassé les espérances des amis des sciences et des arts. »

L’éclairage par le gaz hydrogène, était assurément bien loin encore d’être parvenu à son degré de perfection. Mais l’inventeur s’en occupait avec la plus grande ardeur, et les produits secondaires de la carbonisation, c’est-à-dire le goudron et l’acide pyroligneux, promettaient des bénéfices qui auraient assuré le succès de la découverte, joints à la production du gaz inflammable.

Pour justifier cette dernière partie de son programme, Philippe Lebon sollicita l’adjudication d’une portion de pins de la forêt de Rouvray, près du Havre, afin d’y fabriquer du goudron. La concession lui fut accordée le 9 fructidor an XI, à la condition de fabriquer cinq quintaux de goudron par jour. La délivrance de la concession eut lieu le 1er vendémiaire an XII.

Lebon se mit à l’œuvre immédiatement, associé avec des Anglais, que la paix d’Amiens, du 6 germinal an X, avait attirés en France, et que la rupture du 2 pluviôse an XI, n’avait pas encore forcés de retourner en Angleterre.

De vastes appareils, consacrés à la distillation du bois, furent établis au cœur de la