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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/250

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Du reste, le système tout primitif qui consiste à laisser échapper par le toit la fumée et les produits de la combustion, subsiste encore, de nos jours, chez des peuples parfaitement civilisés, c’est-à-dire dans les chalets actuels des montagnes de la Savoie.

Hâtons-nous d’ajouter qu’il s’agit ici des vrais chalets, de ceux où l’on fait le fromage et le beurre et qui ne sont habités que pendant les mois les plus chauds de l’année. Leur aspect diffère beaucoup du type convenu des chalets suisses, dont l’architecture est élégante, mais qui ne se voient que dans les fermes des vallées suisses, et surtout dans l’Oberland. Les murs des véritables chalets de la Savoie, qui servent de demeure et d’atelier pour la préparation des fromages, sont peu élevés et bâtis en pierre sèche. Quelques sapins non équarris forment la charpente du toit. Ils sont munis, en guise de tuiles, d’énormes pierres plates et irrégulières, qu’aucune main ne s’est donné la peine de tailler.

L’intérieur du chalet, d’un aspect misérable, quoique très-propre, est partagé en plusieurs compartiments. On y a d’abord ménagé des resserres, fraîches et obscures, pour conserver les fromages qui doivent être gardés longtemps avant d’être portés au marché. Vient ensuite un fenil, où couchent les chalaisans. Dans la première pièce, qui est la plus grande, sont installés les grands chaudrons pour préparer le lait nouvellement trait et le transformer en fromage.

Ces récipients, fort bien entretenus, sont de la capacité de 500 à 600 litres. Une tringle en fer les relie à un poteau fixé contre la muraille. Grâce à ce mécanisme très-simple, on peut tirer le chaudron en avant, et le placer au-dessus de l’aire où le feu est allumé.

La végétation des arbres n’arrive pas toujours dans les régions très-élevées où ces chalets sont bâtis. À défaut de bois de sapin ou de bouleau, on brûle des broussailles. À une altitude encore plus grande, et alors que le transport du combustible coûterait trop de peine, on a recours aux bouses de vaches, que l’on sèche au soleil, après les avoir précieusement récoltées.

Quelquefois plusieurs familles de montagnards forment une association, et travaillent dans le même chalet. Dans ce cas, chacun a son chaudron suspendu au poteau respectif ; chacun fournit sa provision de combustible ; et tour à tour, chaque récipient, plein de lait frais, est amené au-dessus de l’aire commune.

La fumée, après avoir longtemps circulé dans la pièce, et formé à la partie supérieure, une couche épaisse et noire, s’échappe par un trou béant à la toiture.

Ainsi, le chalet actuel de ces régions alpestres nous ramène aux temps reculés où la cheminée était encore inconnue.

Les habitants des contrées boréales se rapprochent des montagnards de la Suisse et de la Savoie, par les conditions physiques du milieu qu’ils habitent, comme par la simplicité de leur genre de vie. En effet, la végétation cesse au voisinage du pôle. Or l’absence de végétation met les peuples, pour ainsi dire, en dehors de la société. Les Esquimaux ou Groënlandais, par exemple, privés des ressources de l’industrie, mènent une existence dont nous avons quelque peine, dans nos climats, à nous faire une idée exacte.

Pendant la longue nuit de six mois qui règne dans ces régions déshéritées de la nature, et tandis qu’un épais manteau de neige recouvre en entier leur misérable habitation, les Esquimaux s’enferment dans leurs huttes, pêle-mêle avec leurs rennes. La température s’abaisse dans ces latitudes, jusqu’à plus de 40 degrés au-dessous de zéro. Parry et les audacieux navigateurs, qui, allant à la recherche du passage nord-ouest, se sont laissé envahir par les glaces, ont vu souvent le mercure gelé dans les thermomètres. Sans la couche glacée qui recouvre leurs demeures, les Esquimaux périraient par l’intensité du froid. En effet, la neige con-