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était tout simple, en effet, de garnir l’ouverture, pratiquée au toit, d’un tuyau de maçonnerie qui protégeât la charpente contre la flamme. Quant aux pieds-droits de la cheminée, ils étaient nécessaires pour supporter la hotte.

Bientôt on dut s’apercevoir que lorsque le conduit de la fumée avait de grandes dimensions en hauteur, les produits de la combustion étaient mieux éliminés, et l’on augmenta la longueur de l’entonnoir à fumée, non plus à l’intérieur de l’appartement, où l’espace était restreint, mais au dehors, c’est-à-dire au-dessus du toit. Ces hauts ajutages en maçonnerie donnèrent, en définitive, la cheminée proprement dite, du mot chemin, parce que c’est, en effet, le chemin que la fumée doit toujours suivre[1].

Avec ces quelques modifications, la cheminée du Moyen âge fut constituée.

Le tuyau extérieur de la cheminée était démesurément long. Les maisons, ainsi flanquées des longs conduits qui donnaient issue à la fumée de plusieurs cheminées énormes, présentaient alors, vues à l’extérieur, l’aspect que retrace la figure 151 (page 249).

Les passages que l’on a recueillis dans les ouvrages des auteurs français des xiiie et xive siècle[2], montrent que l’usage des cheminées, et surtout des cheminées rondes, dont nous venons de parler, était alors assez répandu.

Ce n’est pourtant qu’au xve siècle que l’on peut constater leur existence en Italie. Ce dernier fait prouve quelle confiance il faut accorder à l’ancienne opinion, qui voulait que la cheminée eût été inventée par les Piémontais, et que l’année 1327 fût la date précise de cette découverte. Laissons les Piémontais exploiter l’art du fumiste, sans vouloir leur attribuer l’invention même de cet art.

La forme ronde du foyer des cheminées fut pourtant bientôt abandonnée, et c’est alors que l’on construisit ces immenses cheminées à hotte, que tout le monde connaît pour les avoir vues dans les musées d’antiquités, ou pour s’y être chauffé avec délices, dans les cuisines de village ou d’auberge, au fond de contrées oubliées de la civilisation.

Pendant tout le Moyen âge, en France et dans l’Europe centrale, on adopta ces vastes cheminées, sous le manteau desquelles toute une famille pouvait se réunir pour passer les longues soirées d’hiver.

Le Moyen âge avec ses craintes, ses superstitions et son ignorance, est tout entier dans cette cheminée monumentale, dans cet âtre immense, où grands et petits se groupent autour d’un vieillard, écoutant avidement de sa bouche des récits de guerre ou de sabbat ; pendant que derrière eux, dans les profondeurs de la salle, flottent leurs grandes silhouettes, agitées par les flamboiements de branches gigantesques ou de troncs d’arbres entiers !

Ces cheminées monumentales donnaient de déplorables résultats, au point de vue du chauffage. Il fallait y brûler des quantités de bois énormes.

Les notions les plus élémentaires de la science faisaient alors défaut aux architectes. Ce n’est qu’à la fin du xviie siècle, c’est-à-dire à l’époque de la création de la physique moderne, que l’on voit apparaître les premiers perfectionnements apportés à l’art du chauffage par les cheminées, cette partie essentielle de l’économie domestique.

Au xviie siècle, Otto de Guericke, Torricelli et Pascal avaient démontré le fait de la pesanteur de l’air. Les expériences des académiciens de Florence firent voir ensuite que la pesanteur de l’air diminue avec l’élévation de sa température.

D’autre part, les premières études sur la chaleur, faites par les physiciens du xviie siècle, apprirent à connaître le rayonnement de

  1. Un évêque de Tours s’applaudissait beaucoup d’avoir trouvé la véritable étymologie du mot cheminée, qui, selon lui, signifiait : chemin aux nuées. L’étymologie est un peu tirée par les cheveux.
  2. Voir le Dictionnaire de Littré, au mot Cheminée.