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Chinois reçoivent et dirigent ces vapeurs inflammables jusque dans leurs maisons, par des tuyaux de bambou artistement ajustés.

Ce n’est là, toutefois, qu’un accident de peu d’importance, un fait tout local, qui ne peut en aucune manière autoriser à accorder aux Chinois l’invention du chauffage par le gaz, et qui ne peut rien ôter au mérite de notre compatriote Philippe Lebon.

En France et en Angleterre, on essaya, au commencement de notre siècle, d’appliquer le gaz de l’éclairage à la cuisson des aliments. Mais les résultats de cet essai furent d’un avantage douteux. Ce combustible n’était rien moins qu’économique, et il dégageait, en brûlant, une odeur désagréable, ainsi que de la fumée.

Ce n’est qu’en 1835, qu’un savant anglais, Robison, secrétaire de la Société royale d’Édimbourg, trouva le moyen de brûler le gaz de l’éclairage, de telle sorte qu’il ne répandît ni odeur ni fumée.

M. Payen, dans un rapport fait en 1839, à la Société d’encouragement, décrivait ainsi l’appareil inventé par Robison :

« L’appareil se compose d’un tube conique ouvert des deux bouts, offrant à sa partie inférieure une section de 6 pouces de diamètre, sa hauteur est d’un pied, et sa section à la partie supérieure, de 3 pouces de diamètre. Celle-ci est recouverte d’une toile métallique en cuivre offrant cinquante mailles par pouce carré ; trois pieds adaptés à la partie inférieure de ce tube le supportent à 6 lignes du plan sur lequel il est posé ; trois montants en tôle, fixés sur deux cercles, peuvent à volonté envelopper le tube, et soutenir à un pouce au-dessus de la toile métallique le vase qu’on se propose de chauffer. »

On coiffait un bec de gaz d’une sorte d’entonnoir conique en métal, pourvu d’une grille. Quand on voulait avoir du feu, on ouvrait le robinet ; le gaz se mélangeait avec l’air, et on l’allumait au-dessus de la grille, sans qu’il y eût danger que l’inflammation se propageât dans l’intérieur de l’entonnoir. On obtenait ainsi une flamme bleue, courte, peu éclairante, mais fort chaude et très-différente de la flamme ordinaire des becs à éclairage.

La flamme du gaz brûlant dans les becs ordinaires, doit son éclat à ce que le gaz, se dégageant du tuyau en nappe non mêlée à l’air, ne brûle que par sa surface. Les parties internes de la flamme, qui ne sont pas en contact avec l’air, sont simplement décomposées par la chaleur, et laissent déposer du charbon en petites masses solides. Ce sont ces petites particules de charbon, que la chaleur ne peut ni fondre, ni volatiliser, qui, absorbant et réfléchissant la lumière, communiquent à la flamme un vif éclat. Ici, au contraire, le gaz ne brûle point à sa sortie du tuyau. Il se mélange, à l’intérieur de l’entonnoir, à l’air appelé par la chaleur de la combustion, et le mélange est si intime qu’aucune partie du gaz n’est décomposée avant d’être brûlée, et que le charbon ne se dépose pas, mais se transforme immédiatement en acide carbonique. C’est pour cela que la flamme est peu lumineuse mais très-chaude.

Si le vase à chauffer était posé sur la flamme éclairante d’un bec de gaz ordinaire, il refroidirait le gaz par son contact, et une partie de ce gaz échapperait à la combustion. Avec l’appareil de Robison, dans lequel le gaz se mélange à l’air avant de brûler, chaque molécule de gaz étant, pour ainsi dire, accompagnée de la molécule d’air qui doit la brûler, aucune n’échappe à la combustion, et le gaz brûle sans odeur ni fumée.

Le premier physicien qui ait proposé, dans notre pays, des appareils de chauffage du genre de ceux qui viennent de nous occuper, est M. Merle, auteur d’un Manuel sur le gaz de l’éclairage, publié en 1837[1]. Dans cet ouvrage, l’auteur donne la description succincte d’un fourneau de cuisine au gaz, pour lequel il avait obtenu un brevet d’invention.

  1. Un vol. in-12, page 64, chez Roret. Paris, 1837.