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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/351

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journalier par les domestiques, des détournements, des vols, etc.

Ce qui précède concernait l’utile, voici maintenant pour l’agréable.

On serait dispensé, avec le gaz hydrogène, de l’ennui d’allumer le feu et de l’ennui de l’éteindre. On serait affranchi de la juste préoccupation que l’on éprouve, relativement à l’incendie, quand on laisse, en sortant de chez soi, un feu allumé. Pour éteindre comme pour rallumer le feu, il suffirait de fermer ou d’ouvrir un robinet.

Il suffirait encore de fermer un robinet pour éteindre le feu dans son salon, et le rallumer aussitôt dans sa chambre à coucher. Et quel avantage de pouvoir ainsi, sans autre dépense ni embarras, transporter son chauffage de la salle à manger au salon, du cabinet de travail à la chambre à coucher, etc. !

Avec le chauffage par le gaz, on serait débarrassé de la fumée, qui, selon le proverbe latin, est un des trois fléaux de la maison[1].

Avec le gaz hydrogène, plus de fumée qui salit les rideaux, qui fane les meubles, qui noircit les papiers et les livres, et oblige à de fréquents blanchissages des housses et des rideaux, qui altère encore et salit nos poumons, chose plus difficile à nettoyer.

Enfin, la substitution du gaz hydrogène au mode actuel de chauffage permettrait d’améliorer singulièrement la construction des maisons et des édifices. On remplacerait nos lourdes cheminées par des appareils bien plus élégants. Les énormes conduites, plaquées le long des murs, qui occupent un espace si précieux, qui dépassent les combles, et sont d’un si grand embarras pour la distribution des appartements et de leurs diverses pièces, deviendraient inutiles et livreraient à l’architecte tout l’espace qu’elles absorbent aujourd’hui.

Mais il est des préjugés dans l’ordre du sentiment, et ce ne sont pas les moins rebelles. Le désir, le besoin de voir le feu, est un de ces préjugés du sentiment. On consent à sentir ses pieds gelés, et froide l’atmosphère de son appartement, mais on veut absolument voir le feu. Se griller les yeux est un besoin enraciné et irrésistible. « Le feu égaye, dit-on, le feu tient compagnie ; le feu est l’image de la vie, et sa vue récrée, comme l’aspect de la vie en action. » Or, rien ne serait plus facile que de satisfaire à ce désir avec le chauffage au gaz hydrogène. Nous ne parlons pas ici, comme l’ont proposé d’ingénieux fumistes parisiens, d’imiter, par quelques paillons d’oripeaux, des foyers qui ne brûleraient pas, ou de peindre, avec du vermillon, des flammes de Bengale qui ne blesseraient point les yeux. L’artifice dont il s’agit ici est tout autre. Dans le foyer où brûle le gaz hydrogène pur, placez une certaine quantité de brins d’amiante entrelacés, et la flamme du gaz hydrogène, qui ne répandait qu’une faible lueur, brillera aussitôt du plus vif éclat. Avec ces grilles d’amiante, que nous avons représentées plus haut (fig. 221, 222), on peut créer, à l’aide du gaz, toute espèce d’arabesques et d’ornements fantastiques, dont les traits sont des traits de feu, et dont l’artiste s’appelle Prométhée.

À cette série d’avantages auxquels donnerait lieu l’emploi du gaz dans le chauffage domestique, on peut ajouter cette dernière circonstance, que les maisons pourraient à l’avenir se louer avec le feu, comme on les loue aujourd’hui avec la lumière et l’eau, comme on les louera un jour avec la télégraphie pour les communications d’étage à étage, et avec les cadrans électriques pour la distribution des heures.

Mais on le voit, tous ces avantages sont subordonnés à l’emploi du gaz hydrogène pur. Avec le gaz ordinaire de l’éclairage, c’est-à-dire le gaz hydrogène bicarboné, fourni par la distillation de la houille, gaz qui produit en brûlant de l’acide carbonique, on ne pourrait réaliser toutes ces conditions

  1. Sunt tria damna domûs : imber, mala fœmina, fumus. (Il y a trois fléaux domestiques : humidité, femme acariâtre, fumée.)