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sensibles par leur division même, et de mieux mettre en mouvement la totalité de l’air. Les ouvertures inférieures devront être percées un peu au-dessus du parquet : sans cette précaution, elles seraient rapidement encombrées par les ordures du balayage, et la ventilation en serait amoindrie ou arrêtée. Il est bon aussi, et pour la même raison, de munir leur entrée d’une grille mobile à mailles serrées.

La disposition que nous venons de décrire entraînerait d’importantes modifications dans l’architecture d’une maison. Nous indiquerons un moyen plus simple, mais naturellement beaucoup moins efficace, pour ventiler une salle de bal ou de réunion. Ce moyen consiste à placer au bas de la cheminée du salon, que l’on maintient bien ouverte, deux ou trois becs de gaz. La chaleur du gaz produit un appel, qui n’est pas suffisant sans doute pour renouveler en entier l’air vicié, mais qui produit cet effet dans une certaine mesure.

M. le général Morin emploie pendant tout l’été, dans son cabinet, au Conservatoire des arts et métiers, ce petit système. Les becs de gaz, loin de chauffer la pièce — puisque, placés à une certaine hauteur dans la cheminée, ils ne rayonnent que dans un conduit, — amènent plutôt un abaissement de la température. Ils appellent l’air des caves, au moyen d’un conduit particulier s’ouvrant à l’extrémité du cabinet opposée à la cheminée.

Nous dirons ici, en passant, que par les grands froids, les plafonds vitrés causent une déperdition de chaleur énorme, et amènent une perturbation considérable dans la ventilation. Au contact du vitrage, l’air chaud de la salle se refroidit et tombe. Il est remplacé par d’autres couches d’air chaud, qui successivement éprouvent le même effet. La chaleur de la pièce se perd ainsi continuellement.

Des salons couronnés de vitraux, ou couverts d’une coupole de verre, exigent donc une attention plus grande et des dispositions plus efficaces encore pour le chauffage et la ventilation.

Les vitrages verticaux des fenêtres ordinaires ne tendent guère à refroidir que la mince couche d’air qui passe à leur contact, en léchant la muraille. Cet air tombe, à la vérité, et de nouvelles couches froides le remplacent ; mais les courants sont loin d’être aussi prononcés que dans le cas précédent. Cependant, en raison de ces circonstances, il serait très-utile de faire usage de doubles fenêtres, qui enferment un air immobile, mauvais conducteur du calorique, et sont le meilleur moyen de conserver la chaleur des appartements.

Nous disions tout à l’heure, qu’en général, les salles de bal ne sont pas ventilées. De ce fait, nous donnerons ici deux exemples éloquents.

Les grands salons du palais des Tuileries et ceux de l’Hôtel de ville de Paris, sont renommés par le luxe de leurs décors et de leur ameublement ; mais ils sont un triste exemple de l’ignorance ou de l’indifférence universelle en matière de ventilation : ils ne sont aucunement ventilés.

Pendant les soirées de bal, la salle des Maréchaux, au palais des Tuileries, renferme jusqu’à six cents personnes à la fois, c’est-à-dire deux personnes par mètre carré du parquet. D’un autre côté, des milliers de bougies y versent des flots de lumière, car l’éclairage de cette salle équivaut à quatre bougies par mètre carré de parquet. Or, une bougie produit autant de chaleur, et vicie l’air autant que le fait un homme adulte. Avons-nous besoin de dire qu’au bout de quelques heures, l’air de cette salle est devenu parfaitement irrespirable ? Les peintures qui décorent le plafond d’une autre salle des Tuileries, la salle d’Apollon, ont été presque entièrement effacées par la fumée des bougies.

Voilà quel est, en l’an de grâce 1869, l’état de la ventilation dans le palais des souverains de la France !