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Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/674

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La troupe de plongeurs que visita M. Esquiros, lorsqu’il voulut descendre au fond de la mer, équipé en scaphandrier, a retiré des débris de la Lady-Charlotte, la somme de 100 000 liv. sterl. (2 500 000 francs). Sur les côtes d’Irlande, elle découvrit un gros amas de dollars, primitivement contenus dans un tonneau, et qui en avaient gardé la forme après la pourriture du bois. Cet argent provenait d’un navire espagnol. Les heureux plongeurs l’ont employé à construire dans leur village une rue qui porte le nom de Dollar-Row.

En 1844, on alla même jusqu’à tenter d’arracher à l’abîme les épaves d’un vaisseau englouti en 1782, c’est-à-dire depuis 62 ans. Il s’agissait du Royal-Georges, vaisseau de 104 canons, naufragé à Spithead par 90 pieds d’eau. Bien que le bâtiment fût très-chargé et portât plus de mille passagers, on tenta l’aventure. On retrouva peu d’argent ; mais on ramena à la surface 23 pièces de canon.

« J’ai vu chez M. Siebe, dit M. Esquiros, de sombres et intéressantes reliques arrachées dans cette occasion au lit de la mer : le tibia d’un marin, un moulin à café, une tasse, une cuiller d’argent, un foulard, une vieille pipe, une bouteille de vin à laquelle s’étaient incrustées des écailles d’huîtres, etc. ; mais ce qui me frappa le plus, c’est une crosse de mousquet rongée par les vagues. Voilà ce que fait la mer des armes sur lesquelles l’homme compte pour sa défense ! »

Lorsqu’un navire a sombré sur la côte anglaise, une grande compagnie d’assurances maritimes fait procéder, pour son propre compte, à une première exploration des eaux. Dès que le gros du butin est enlevé, elle vend les débris restants à une seconde compagnie, moyennant une somme fixe qui peut naturellement être trop élevée, mais qui se trouve aussi quelquefois de beaucoup inférieure à la valeur réelle des épaves gisant encore au fond de la mer.

En 1863, une compagnie acheta 1 000 liv. sterl. (25 000 francs), le champ du naufrage du Royal-Charter, et elle fit une excellente spéculation. À plusieurs reprises, les plongeurs recueillirent des sommes assez fortes, entre autres un coffre contenant à lui seul 75 000 francs ; ils trouvèrent également une barre d’or pur pesant neuf livres et demie.

Écoutons à ce sujet, l’auteur des Scènes de la vie anglaise, M. Esquiros :

« Des différents travailleurs qui sont en commerce avec la mer, le plongeur est peut-être celui qui assiste aux scènes les plus mélancoliques. Un diver qui avait exploré en 1865 les débris d’un vaisseau naufragé près des côtes de l’Écosse, le Dalhousie, racontait un sombre épisode de l’histoire de l’abîme. Chaque fois qu’il descendait dans la grande cabine, il trouvait une mère à genoux dans l’attitude de la prière et serrant ses deux enfants entre ses bras, tandis que d’autres cadavres étaient restés accrochés avec les ongles aux poutres du plafond. Ces tristes spectacles ne sont pas rares dans la vie du plongeur. Un autre de ces ouvriers sous-marins qui avait été occupé à fouiller un navire échoué sur les côtes de l’Irlande, disait à M. Siebe qu’il entrait souvent dans une cabine et s’arrêtait à regarder dans une des cases (berths), une jeune femme aux longs cheveux dénoués, que le mouvement des eaux faisait flotter comme des algues. « Je me serais bien gardé, ajoutai t-il, de la troubler dans son sommeil, ni de la déranger de sa couche ; où aurait-elle pu trouver une plus paisible tombe ? »

Constructions sous-marines. — Extraction des roches du fond de la mer. — Les appareils plongeurs sont d’un grand secours pour les travaux d’architecture sous-marine, et le plus imparfait d’entre eux, la cloche à plongeur, a été utilisé de cette façon depuis fort longtemps déjà. Dès 1779, l’ingénieur anglais Smeaton, le même qui avait introduit d’importants perfectionnements dans la cloche à plongeur de Halley, s’en servit pour réparer, au nord de l’Angleterre, les piles du pont de Hexham, dont les fondements menaçaient ruine. Vers 1813, Rennie en fit également usage pour poser les premières assises de la jetée qu’il construisit dans le port de Ramsgate. Enfin, le même appareil joua un rôle important dans l’édification des brise-lames de Douvres et de Plymouth.