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rienne[1]. Voici à peu près comment on entendait procéder dans ces diverses applications.

Pour remplacer la vapeur dans les machines à navigation, on préparerait, à bord, le gaz inflammable, destiné à animer le moteur. On prendrait, dans ce cas, le gaz hydrogène pur, qui développe, en brûlant, une quantité de chaleur bien supérieure à celle qui résulte de la combustion du gaz de l’éclairage, et qu’il est, d’ailleurs, très-facile d’obtenir sur le pont d’un navire, sans autres matières premières que de l’acide sulfurique et de la ferraille, sans autres appareils que deux ou trois tonneaux défoncés pour la production et le lavage du gaz. Quant aux locomotives, c’est autre chose. On ne préparerait pas le gaz pendant la marche ; on se servirait du gaz de l’éclairage, comprimé à 12 ou 15 atmosphères. On a même conçu l’espoir de rendre inutile l’énorme poids des locomotives, qui est aujourd’hui indispensable pour assurer l’adhérence du convoi sur les rails et la progression des roues. On croyait qu’en distribuant cinq ou six appareils moteurs sur toute l’étendue du convoi, afin de répartir uniformément la charge, on obtiendrait une adhérence suffisante pour éviter la rotation des roues sur place et assurer leur progression.

En ce qui concerne les locomobiles, les idées étaient un peu plus précises, et elles nous semblent plus rationnelles ; il est vrai que c’est là le plus petit côté de l’emploi général de la vapeur. On fait remarquer que la difficulté de manier une chaudière à vapeur, l’appréhension des incendies, l’obligation de débarrasser les chaudières des incrustations terreuses résultant de l’évaporation de l’eau, enfin la difficulté de transporter, à travers les sentiers et les chemins vicinaux, cette machine nécessairement lourde quand elle est puissante, empêchent trop souvent les cultivateurs d’avoir recours à la locomobile. Toutes ces difficultés disparaissent évidemment avec le moteur à gaz, et si l’on objecte qu’il est malaisé de se procurer, en pleine campagne, du gaz d’éclairage, on répond qu’il ne serait pas difficile de faire, à la ville prochaine, un approvisionnement de gaz comprimé. M. Lenoir ajoute que l’on pourrait, dans ce cas, remplacer le gaz par des huiles volatiles ou des carbures d’hydrogène liquides, aujourd’hui à très-bas prix dans le commerce, et qui, réduits en vapeur, rempliraient l’office du gaz. Une fois la machine en train, la chaleur en excès que développe la combustion, et que l’on est obligé de soustraire par un courant d’eau froide, suffirait à volatiliser ces carbures d’hydrogène liquides pour envoyer leur vapeur se brûler dans le cylindre. D’après M. Lenoir, l’appareil servant à alimenter de vapeur inflammable une machine de la force de quatre chevaux, tiendrait dans un chapeau d’homme.

À ces projets séduisants, à ces belles perspectives, il n’y a rien à répondre, sinon que ce sont là des vues prématurées. Contentons-

  1. Nous avons reçu d’un de nos lecteurs, M. E. Abadie, une lettre où cette question est soulevée :

    « Dans l’application de la machine à gaz, nous écrivait M. Abadie, on n’aurait plus, comme dans la machine de MM. Giffard, David et Sciama, à emporter des appareils d’un poids considérable. La provision de gaz combustible produirait en se consumant, une perte de force ascensionnelle qui serait compensée par du lest, et la réduction en vapeur de la petite quantité d’eau qui entoure le cylindre ; enfin, plus de crainte au sujet de l’inflammation de l’aérostat.

    « L’emploi de cet appareil, joint à celui de pièces très-légères, aujourd’hui en acier, plus tard en aluminium, permettrait, à égalité de force motrice, de réduire de beaucoup les dimensions de l’aérostat, et par suite d’augmenter la vitesse, de façon à pouvoir effectuer toutes les manœuvres nécessaires et pour atteindre la couche d’air où règne un vent favorable. Enfin, en essayant de retrouver la composition du vernis de Fortin, pour enduire le taffetas de façon à le rendre presque complétement imperméable, on arrivera, je crois, à faire faire un grand pas à cette belle question, qui, reléguée parmi les chimères par quelques savants et beaucoup trop discréditée par les essais infructueux d’un grand nombre d’inventeurs qui ignorent souvent les premiers principes de physique et de mécanique, arrivera probablement à une solution complète par l’emploi de moteurs plus puissants que ceux que nous connaissons aujourd’hui. »

    L’application à la navigation aérienne d’une machine relativement légère, et qui fonctionne sans aucun foyer, est une idée toute naturelle, et qui, pour ainsi dire, va de soi. Avis aux aéronautes.