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être a-t-on trop insisté à cette époque sur les erreurs de Bouvard. Pour juger le travail de ce géomètre, il faut se reporter à l’époque où il fut exécuté, et considérer surtout que les méthodes perfectionnées dont on se sert aujourd’hui étaient encore à découvrir. Ainsi que le remarque M. Biot, Bouvard a fait tout ce que l’on pouvait faire de son temps : « On fait mieux maintenant, dit M. Biot, ces calculs après lui, mais, sans lui, on n’aurait pas seulement à les perfectionner : le sujet manquerait ; car, sans l’assistance de Bouvard, Laplace n’aurait jamais pu étendre si loin les développements de ses profondes théories. »

Fig. 444. — Bouvard.

Les personnes qui, vers l’année 1840, fréquentaient les séances de l’Institut, ne manquaient pas de remarquer un petit vieillard négligemment vêtu, et qui, toujours assis à la même place, passait tout l’intervalle de la séance courbé sur un cahier couvert de chiffres : c’était Bouvard, qui, selon l’expression d’Arago, renouvelée d’un passage de Condorcet dans son Éloge d’Euler « ne cessa de calculer qu’en cessant de vivre. » Venu à Paris du fond de la Savoie, sans éducation et sans ressources, le hasard l’avait rendu témoin des travaux de l’Observatoire, et dès ce moment une véritable passion s’était développée en lui pour l’astronomie et les mathématiques. Il s’occupait d’études de ce genre avec une ardeur extraordinaire et sans trop savoir où elles le conduiraient, lorsqu’il eut l’occasion d’être mis en rapport avec Laplace. Le grand géomètre, retiré alors à la campagne, dans les environs de Melun, travaillait à la composition de sa Mécanique céleste. Mais il ne pouvait suffire seul aux calculs et aux déductions numériques que nécessitait cette œuvre immense. Il trouva un secours d’une valeur inestimable dans l’assistance de Bouvard, qui, dès ce moment, se dévoua à ses travaux avec une docilité et une patience infatigables. C’est grâce à l’abnégation de Bouvard et par sa collaboration assidue, qui se prolongea durant sa vie entière, que Laplace put mener à fin cette œuvre de génie, dont les géomètres de notre temps recueillent les bénéfices. Ainsi, sans les travaux de Bouvard, les méthodes abrégées de calcul dont nos astronomes tirent un si grand parti, seraient encore à créer aujourd’hui ; il y aurait donc injustice à lui reprocher avec amertume des erreurs qui ont été le fait moins de son esprit que de son temps.

Les erreurs de Bouvard une fois constatées, M. Le Verrier corrigea les formules qui avaient présidé à la composition des tables de cet astronome. Il en construisit de nouvelles, et compara les nombres ainsi rectifiés avec les données de l’observation directe.

Malgré cette correction, ces tables restèrent en désaccord avec les mouvements d’Uranus. M. Le Verrier put donc conclure, mais cette fois avec toute la rigueur d’une démonstration mathématique, que la seule influence du soleil et des planètes connues était insuffi-