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la saponification, de l’acide sulfurique concentré, mais en ne laissant l’action s’exercer que deux ou trois minutes, et l’arrêtant tout aussitôt, en jetant la matière dans l’eau bouillante.

Cette méthode nouvelle de traitement des suifs par la saponification sulfurique sans distillation, a été décrite dans un rapport présenté le 12 juillet 1867, à la Société d’encouragement pour l’industrie, par M. Balard, professeur de chimie à la Faculté des sciences de Paris. Voici comment s’exprime M. Balard :

« Dans son usine, que nous avons visitée en compagnie de plusieurs savants étrangers, désireux de profiter, pour leur pays, de cette communication que M. de Milly nous a faite sans réticences d’aucun genre, du suif chauffé à 120° s’écoule et se mêle avec 6 pour 100 de son poids d’acide sulfurique concentré. Le mélange devient intime au moyen d’une agitation dans une baratte en fonte. L’action se produit, mais au bout de deux ou trois minutes on l’arrête entièrement en faisant couler le mélange dans un grand cuvier plein d’eau bouillante où se délaye la glycérine, inaltérée ou régénérée, et où se séparent, à la surface de l’eau, des acides gras extrêmement colorés. Mais, contrairement à ce qui était arrivé dans les tentatives qui ont eu lieu il y a quatorze ans, ces acides sont colorés par une matière complètement soluble dans l’acide liquide. On conçoit donc qu’en pressant cette matière à froid, puis à chaud, on parvienne à en extraire des acides gras d’une blancheur parfaite et propres à être immédiatement coulés en bougies. L’opération entière ne dure pas plus d’une heure. Cependant il est préférable, quand la pression a donné un acide gras déjà solide mais encore impur, de le refondre de nouveau et de le couler en pains plus épais qui, à la pression dernière, donnent des plaques plus épaisses aussi d’acides gras épurés, identiques avec ceux que fournit la saponification par la chaux, et propres dès lors à la fabrication des bougies de luxe ; 100 parties de suif donnent ainsi 52 pour 100 d’acides gras, fusibles à 54°.

« On conçoit que, par ce mode d’opération, une certaine quantité d’acide gras solide doit se concentrer dans sa partie liquide et colorée, et rester empâtée par ce magma oléagineux comme le sucre cristallisable dans la mélasse. M. de Milly soumet cet acide à la distillation et en retire, outre l’acide oléique distillé, 9 à 10 pour 100 d’acides gras solides. Il subit ainsi, sans doute, les inconvénients attachés à cette opération, mais il les concentre sur un cinquième au plus des produits solides qu’aurait fournis par la distillation la matière première sur laquelle il a agi.

« On voit que, grâce à cette méthode, qui réunit à la fois les avantages de la saponification calcaire et de la distillation, on obtient les quatre cinquièmes au moins du rendement maximum en acide propre à la fabrication des bougies de luxe, et l’autre cinquième avec les défauts de l’acide obtenu par la distillation, et qui le rendent propre seulement à la fabrication des bougies économiques.

« Votre comité des arts chimiques a été heureux de constater que cette nouvelle et importante amélioration dans la production de l’acide stéarique était encore due à l’industriel éminent, que l’on peut regarder comme le principal créateur de cette fabrication. »

Nous ne terminerons pas ce sujet sans dire quelques mots d’un mode de préparation des acides gras, qui a été mis en usage en Angleterre et en France, vers 1865, mais auquel le nouveau procédé de M. de Milly, que nous venons de décrire, a enlevé beaucoup de son utilité. Nous voulons parler de la préparation des acides gras par la seule action de l’eau, portée à une très-haute température.

Nous venons de voir que les corps gras neutres (stéarine, oléine, margarine), qui sont constitués chimiquement par l’union des acides stéarique, oléique et margarique avec la glycérine, peuvent être décomposés en glycérine et en acides gras de bien des manières, c’est-à-dire par la saponification au moyen d’un alcali, et par l’acide sulfurique. Ce dédoublement des corps gras neutres que l’on provoque par l’action des acides puissants, peut aussi s’effectuer par l’action de l’eau seule.

Un chimiste américain, M. Tilgman, a trouvé, en effet, le moyen de provoquer, par la seule action de l’eau, la saponification des corps gras. M. Tilgman prit un brevet, en Amérique, pour l’application d’un procédé qui consiste à émulsionner, c’est-à-dire à mélanger intimement, par une agitation convenable, la matière grasse avec l’eau, et à introduire ce mélange dans les tubes de fer, que l’on expose à une température de 330 à 340 degrés. Mais l’emploi de cette méthode, qui exposait à la