Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 5.djvu/234

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d’hui les amateurs de la navigation de plaisance tiennent plutôt aux qualités nautiques et au confortable des aménagements qu’à l’ornementation. Nous ne voulons pas dire pourtant que nos yachts soient d’apparence négligée ; seulement ils n’empruntent leur beauté qu’à la pureté de leurs lignes, à la perfection de leur gréement, au soin qui préside à leur entretien, à la solidité et à la puissance de leur machine à vapeur, quand la vapeur est le moteur dont ils sont munis.


Ceci posé, nous jetterons un coup d’œil sur le yachting moderne, et nous signalerons les progrès qu’il a faits de nos jours.

Et d’abord, il faut établir combien cette distraction est supérieure aux divers genres de sport. Nous sommes loin de vouloir rabaisser les autres exercices du corps, car nous comprenons trop bien l’utilité et la valeur de la gymnastique, de l’équitation, de la chasse, de l’escrime, etc. ; mais on peut dire qu’aucun autre exercice n’exige une plus grande somme de qualités physiques et d’énergie morale que la navigation de plaisance.

L’amateur sérieux du yachting, c’est-à-dire celui qui a fait l’apprentissage de la manœuvre du bord et du commandement, a acquis, comme le chasseur, un bon jarret et un coup d’œil certain. Il a le pied assuré comme le gymnasiarque ; le corps souple et les reins solides comme le cavalier ; la jambe ferme comme le tireur de salles d’armes ; et de plus, il a exercé son esprit et accru son intelligence, car il a dû apprendre cette vaste et difficile science du marin, qui exige une si grande somme de connaissances variées.

Et quand un jeune homme, qui peut se procurer le luxe heureux du yachting, a développé, par cet exercice, ses forces physiques et intellectuelles, que de plaisirs ne l’attendent pas sur son yacht rapide ! Faire un voyage en mer, et commander seul à bord, c’est-à-dire être la loi, le maître de tout un équipage ; — lutter contre les éléments, contre les vents et les flots, et les dominer sans cesse ; — partir, c’est-à-dire laisser derrière soi les ennuis, les tristesses, les obligations de la vie sociale ; — voyager, c’est-à-dire jouir des mille spectacles que donne la mer, tant le jour que la nuit, sous le soleil étincelant, ou à la sereine clarté des étoiles ; — franchir à travers l’Océan des parages inconnus, où le changeant horizon vous apporte des surprises toujours nouvelles ; — saluer, en passant, des navires de toutes les nations, qui dévorent l’espace, grâce à la vapeur qui les emporte ; — arriver, c’est-à-dire éprouver les satisfactions de l’œuvre accomplie et du danger conjuré ; — enfin, rencontrer au port l’imprévu et l’inconnu : — tels sont les plaisirs qu’assure au jeune yachtman son heureux passe-temps.

Ainsi s’explique la passion que la navigation de plaisance inspire à bien de nos jeunes gens, épris de ce moyen séduisant et poétique de se donner, aux yeux du monde, un relief honorablement conquis.

C’est que le luxe du yachting n’est pas banal. Celui qui lutte, aux jours des solennelles régates, dans un port à la mode ou sur le bassin d’un fleuve, environné par la foule attentive et curieuse ; celui qui navigue sur son joli yacht, tout reluisant de cuivres bien polis, peint de jolies couleurs, se distinguant par ses formes élégantes et fines, et bondissant fièrement sur la lame, entraîné par une machine à vapeur, présent heureux de la science docile, ou poussé par une vaste voilure, qui, de loin, frappe et attire les yeux des mille spectateurs rassemblés sur les rives, n’éprouve-t-il pas un plaisir supérieur à tous les autres ? Et le propriétaire d’un yacht vainqueur à la course maritime, ne doit-il pas ressentir un juste mouvement de fierté satisfaite bien au dessus du plaisir