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d’obtenir, aussitôt qu’il l’aurait voulu, son brevet en Europe.

Notre inventeur résolut alors de remplir sans retard cette formalité en Amérique, et le 14 février 1876, il se rendit au bureau des patentes américaines de Washington, pour y déposer sa demande de brevet. Or, ce même jour, il se produisit un fait étrange, et peut-être unique dans l’histoire des découvertes scientifiques. À peine M Graham Bell était-il sorti du bureau des brevets, qu’un autre physicien, M. Elisha Gray, déposait une demande de brevet pour la même invention, et remettait, avec son mémoire, deux appareils, pouvant très bien fonctionner pour la transmission de la parole, quoiqu’ils différassent totalement de celui de M. Graham Bell.

Le transmetteur de M. Elisha Gray, au lieu d’agir par des interruptions de contact avec une membrane métallique comme celui de Graham Bell, agissait par la résistance variable qu’opposait une goutte d’eau, plus ou moins comprimée, au passage du courant électrique.

Bien que la demande de M. Graham Bell eût été déposée deux heures avant celle de M. Elisha Gray, il n’y en eut pas moins contestation pour le droit de priorité, et comme conséquence, un procès entre les parties. Le tribunal de Washington, qui jugea l’affaire, en premier ressort, considérant, d’une part, que le dépôt du modèle de M. Graham Bell avait été fait antérieurement à celui de M. Elisha Gray, et d’autre part, que la demande de brevet de M. Graham Bell était formulée en bonne et due forme, tandis que M. Elisha Gray n’avait pris qu’un caveat, c’est-à-dire une simple demande de protection pour son droit d’inventeur, accorda le privilège à M. Graham Bell[1]

À peine son brevet obtenu, notre inventeur songea à perfectionner encore sa découverte. C’est alors qu’il construisit le nouvel appareil, auquel il donna le nom de téléphone magnétique et qui est l’appareil en usage aujourd’hui.

Nous allons décrire ce téléphone ; mais auparavant, nous dirons quelques mots d’un petit instrument populaire, le télégraphe à ficelle, lequel, croyons-nous, a dû mettre M. Graham Bell sur la voie de sa merveilleuse découverte.


Le télégraphe à ficelle (fig. 455) se compose de deux cornets, en bois ou en métal, dont le fond est fermé par une membrane de parchemin. Un fil de coton, ou mieux de soie, fixé par un nœud, au centre de chacune des membranes, réunit les deux membranes. Ce fil étant bien tendu, si l’on vient à parler devant l’embouchure de l’un des cornets, les paroles seront entendues par la personne qui aura placé son oreille contre l’embouchure du second cornet.

Le téléphone magnétique que M. Graham Bell imagina, en 1876, ressemble au télégraphe à ficelle. M. Graham Bell remplaça le fil du télégraphe à ficelle par un conducteur métallique, et la membrane de parchemin des deux cornets par une plaque mince de tôle, ou de fer-blanc.

Dans le téléphone magnétique de M. Graham Bell la transmission des sons est produite par des courants d’électricité d’induction qu’engendrent, dans un aimant, les mouvements d’une petite lame de fer placée devant l’un des pôles de cet aimant, et qui est mise en vibration par les ondulations sonores de la voix.

On sait que les courants d’induction sont des courants électriques formés, soit par l’influence d’autres courants, soit par l’influence d’aimants naturels, soit enfin par l’influence magnétique de la terre. Ils se divisent en trois groupes bien distincts, à

  1. Ce n’est pourtant qu’en 1880 que s’est terminé, à l’avantage de M. Graham Bell, le procès entre les deux inventeurs.