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de communiquer avec le reste de la France que la voie de l’air et l’expédition de ballons montés. Mais il aurait fallu pouvoir diriger à son gré les globes aérostatiques, pour les lancer hors de la ville assiégée, et les faire revenir ensuite, par la même voie, à leur point de départ.

On se flatta, pendant les premières semaines du siège, que le ballon dirigeable allait surgir, et donner le moyen d’arracher la garnison et les habitants de la capitale à leur désastreux isolement.

Quand on se rappelait que depuis la fin du dernier siècle, mille cerveaux s’étaient mis en ébullition à la poursuite de cette idée ; quand on savait que nos corps académiques sont perpétuellement assaillis de communications relatives à ce problème ; quand on avait vu les inventeurs fatiguer l’Académie des sciences et les journaux scientifiques de l’annonce de leurs découvertes dans l’art de la navigation aérienne dirigeable ; quand on se rappelait les tranchantes assertions des partisans du plus lourd que l’air, on pouvait s’attendre à voir tant de promesses flatteuses et d’annonces affirmatives aboutir au résultat si désiré.

Hélas ! quelle déception ! quelle amère et triste dérision ! De tous ces hommes qui, depuis si longtemps, fatiguaient le public, l’Académie et les Sociétés savantes de leurs élucubrations, aucun ne put produire le plus faible échantillon de son savoir, ni de son pouvoir. Pendant les premiers mois du siège de Paris, l’Académie des sciences, ainsi que les comités scientifiques établis dans les divers arrondissement de Paris, par le gouvernement de la Défense nationale, furent, il est vrai, assaillis de toutes sortes de projets de navigation aérienne, avec direction. Mais aucun de ces projets ne contenait une idée sérieuse. Les auteurs tiraient leurs vieux mémoires des cartons où ils dormaient depuis longtemps d’un sommeil mérité, et ils les adressaient à l’Académie des sciences, avec force calculs à l’appui. Aucun de ces inventeurs n’invoquait la plus petite expérience, le plus simple résultat pratique. Pour expliquer cette absence totale d’essais pratiques, on alléguait les frais considérables de ces sortes d’expériences : ce qui est vrai. Cependant ce motif était si universellement invoqué, qu’on ne pouvait s’empêcher d’y voir un prétexte à éviter l’expérimentation, ce juge suprême de toute affirmation d’un inventeur. Tous les auteurs des projets concluaient, d’ailleurs, à la demande, adressée au gouvernement ou à l’Académie, d’une forte somme d’argent, pour procéder à la construction de leurs appareils.

L’Académie des sciences avait nommé une commission, pour examiner les projets relatifs à la direction des aérostats ; mais quand elle se fut bien convaincue de la parfaite inanité de tous les plans qui lui avaient été soumis, elle se refusa à présenter aucun rapport, parce qu’elle n’aurait eu à formuler sur cette question que des conclusions négatives.

La même chose arriva aux comités scientifiques. Ces comités ne pouvaient accorder les sommes d’argent qu’on leur demandait pour procéder à des expériences, et d’ailleurs, le temps n’aurait pas permis d’entreprendre un essai sérieux.

Il fallut donc renoncer à l’espoir de faire partir de Paris des ballons dirigeables, la seule chance de salut qui restât aux assiégés. On dut se borner à organiser les départs de ballons, que l’on lançait quand le vent était favorable. Montés par un homme déterminé, les aérostats s’en allaient, à la garde de Dieu, tombant tantôt dans les lignes prussiennes, tantôt dans des localités sûres, d’autres fois, hélas ! allant se perdre dans la mer. Il en est plus d’un dont le sort est resté un secret entre Dieu et les infortunés passagers.

Nous allons donner une rapide énumé-