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lieu de la place Saint-Pierre, à Montmartre, un des points les plus élevés de la capitale.

C’est le 23 septembre 1870 que partit, de la place Saint-Pierre, le premier aérostat parisien, qui n’était, d’ailleurs, qu’un petit ballon, vieux et usé, le Neptune, appartenant à un aéronaute de profession, M. Duruof. M. Nadar s’était efforcé de réparer ce petit ballon, qui était tout percé de trous, et perdait le gaz par mille déchirures. Cependant Duruof n’hésita pas à se confier à ce dangereux engin.

En présence du directeur des postes, M. Rampont[1], et de quelques délégués du gouvernement de la Défense nationale, Duruof embarque dans sa frêle nacelle 125 kilogrammes de dépêches du gouvernement, ainsi que quelques lettres de particuliers ; et c’est au milieu d’une indicible émotion que les assistants voient le Neptune se perdre dans les nues.

Le lendemain, à onze heures du matin, le Neptune effectuait heureusement sa descente près d’Evreux.

La poste aérienne était créée.

Deux jours après, le 25 septembre, un ballon, appartenant à Eugène Godard, la Ville de Florence, partait, à onze heures du matin, du boulevard d’Italie, monté par un aéronaute de profession, M. Mangin, et un passager sans notoriété, M. Lütz.

La Ville de Florence emportait trois pigeons voyageurs, et le but de son voyage, c’était d’expérimenter le retour des pigeons au colombier natal.

Le soir même, les trois pigeons revenaient à Paris, apportant au Directeur des postes une dépêche de l’aéronaute parti le matin. Eugène Godard avait atterri dans le département de l’Oise, à Vernouillet.

La poste aux pigeons était créée.

Louis Godard partit, le 29 septembre, de l’usine à gaz de la Villette, avec M. Coustin. D’après un bizarre et dangereux agencement, dont il avait pris l’habitude, dans ses ascensions publiques, Louis Godard avait attaché ensemble, par une traverse horizontale, deux ballons, de petites dimensions. En cet équipage, il passa au-dessus de Montmartre, et tomba aux environs de Mantes.

Henri Giffard, le célèbre ingénieur dont nous avons rapporté les beaux travaux aérostatiques, dans notre Notice sur les Aérostats, des Merveilles de la science, possédait un petit ballon, le Céleste. On le gonfla, à l’usine à gaz de Vaugirard, et il partit, le 30 septembre, à neuf heures du matin, emportant M. Gaston Tissandier, le savant écrivain scientifique, qui s’est toujours montré aéronaute consommé.

Le Céleste passa par-dessus Versailles, où il fut salué par une fusillade prussienne, et tomba, à onze heures du matin, aux environs de Dreux.


Ces quatre voyages avaient été exécutés avec un matériel dans le plus piteux état ; mais cette insuffisance même de l’appareillage faisait comprendre qu’avec de bons aérostats on pouvait compter sur le succès de la poste aérienne. Aussi le gouvernement s’empressa-t-il de fournir les fonds nécessaires pour la fabrication de ballons bien conditionnés. L’atelier de la gare d’Orléans, dirigé par Eugène Godard, et celui de la gare du Nord, dirigé par MM. Yon et Camille d’Artois, reçurent des commandes de ballons, de la capacité de 2000 mètres cubes, qui furent confectionnés en quelques jours. Des marins et des cordiers étaient les travailleurs attachés aux ateliers aérostatiques des gares d’Orléans et du Nord.

Nous reproduisons dans la figure 498 l’aspect de la nacelle d’un ballon-poste parisien. Deux passagers et l’aéronaute occu-

  1. M. Rampont, depuis sénateur, était médecin à Chablis (Yonne) quand il fut envoyé, par ses concitoyens, à l’Assemblée constituante de 1848, puis au Corps législatif de 1869. Il est mort en novembre 1888.