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sujet à se froisser sous l’aile de l’oiseau.

M. Dagron eut bientôt l’idée, au lieu de tirer sur du papier ordinaire l’image photographique ainsi réduite, de la tirer sur une espèce de membrane assez semblable à la gélatine, c’est-à-dire sur une lame de collodion.

Les petites feuilles de collodion contenant les dépêches microscopiques étaient roulées sur elles-mêmes, et placées dans un tuyau de plume, que l’on attachait à la queue du pigeon. L’extrême légèreté des feuilles de collodion, leur souplesse et leur imperméabilité, les rendaient propres à cet usage. Dans un seul tuyau de plume on pouvait placer vingt de ces feuilles.

Inutile de dire que les dépêches microscopiques étant une fois parvenues à destination, grâce aux messagers aériens, on les amplifiait, à l’aide d’une lentille grossissante, c’est-à-dire d’une sorte de lanterne magique, et on en envoyait copie aux destinataires.

J’ai eu sous les yeux une collection de ces petites cartes de collodion contenant des dépêches microscopiques, curieux souvenir du siège de Paris, que M. Dagron avait bien voulu me donner. En les plaçant sous un microscope, je lisais des pages entières, formant la longueur d’un grand journal. Tout cela tenait sur un morceau de carte grand comme l’ongle !


On vient de voir que c’est à Paris que cette ingénieuse et précieuse idée avait été mise en pratique par M. Dagron. Il est juste d’ajouter qu’à Tours on avait, avec un succès complet, commencé à produire des dépêches toutes semblables, qui avaient été expédiées à Paris, par pigeons. Un photographe de Tours, M. Blaise, s’était chargé de cette difficile entreprise. Guidé par un chimiste de Paris, d’une rare habileté, Barreswil (qui devait, peu de temps après, succomber à ses fatigues), M. Blaise avait installé dans ses ateliers la préparation des dépêches microscopiques. Pendant qu’il poursuivait le cours de ses opérations, M. Dagron arriva de Paris, chargé par le gouvernement d’installer à Tours ce même service. Il était parti en ballon, et sa traversée aérienne avait été accidentée par mille périls. Heureusement, il avait pu sauver ses appareils.

Dès son arrivée à Tours, M. Dagron prit la direction de la préparation des dépêches microscopiques par son procédé à la membrane collodionnée, et il remplaça M. Blaise pour le service des dépêches du gouvernement.

M. Blaise exécutait sur papier la dépêche microscopique ; le procédé de M. Dagron, consistant à faire ce tirage en une pellicule de collodion, était plus avantageux. Aussi fut-il préféré et, dès l’arrivée de M. Dagron à Tours, on substitua le tirage sur la pellicule de collodion au tirage sur papier.

M. Dagron, dans une brochure publiée à Tours, sous ce titre La poste par pigeons voyageurs, a rendu compte, en ces termes, de l’établissement de la photographie microscopique à Tours :


« Arrivés le 21 novembre à Tours, dit M. Dagron, nous nous présentons immédiatement chez M. Gambetta. M. Fernique, qui avait pu gagner Tours avant nous, y fut mandé aussitôt. Nous fimes prendre connaissance de notre traité du 10 novembre avec M. Rampont, directeur général des postes, signé par M. Picard, ministre des finances. La délégation, sur les avis de M. Barreswil, l’éminent chimiste, avait eu aussi l’idée de réduire les dépêches photographiquement, par les procédés ordinaires. Dans cette vue, la délégation avait décrété, le 4 novembre, l’organisation d’un service analogue.

« Un habile photographe de Tours, M. Blaise, avait commencé ce travail sur papier. Il reproduisait deux pages d’imprimerie sur chaque côté de la feuille. Mais, en dehors de l’inconvénient du poids, la finesse du texte était limitée par le grain et la pâte du papier. Le service par pigeons commencé à Tours par la délégation laissait encore à désirer, puisque un spécimen de ma photomicroscopie sur pellicule, l’exemplaire que je produisis, fut trouvé tout à fait satisfaisant, et la photographie sur papier fut abandonnée pour les